Plus de soixante ans après les faits, le 17 octobre 1961 continue de hanter la mémoire franco-algérienne. Ce jour-là, des milliers d’Algériens manifestant pacifiquement à Paris furent victimes d’une répression d’une violence inouïe, orchestrée par le préfet Maurice Papon. Des dizaines, peut-être des centaines de morts, des corps jetés dans la Seine, et un silence d’État qui a duré des décennies. Aujourd’hui, l’histoire refait surface à l’Assemblée nationale, où un nouveau texte relance le combat pour la reconnaissance de ce crime d’État.
Un premier pas en mars, mais un combat inachevé
Le 28 mars 2024, l’Assemblée nationale française avait déjà adopté une résolution qualifiée d’« historique », condamnant les massacres du 17 octobre 1961. Par 67 voix contre 11, la majorité présidentielle et les groupes de gauche avaient approuvé un texte reconnaissant la responsabilité du préfet Papon et appelant à instaurer une journée nationale de commémoration.
Mais pour les familles des victimes, les historiens et la diaspora, cette reconnaissance demeurait incomplète. Elle ne mentionnait pas explicitement la responsabilité de l’État français dans cette tragédie planifiée.
Une nouvelle résolution pour nommer enfin le crime
C’est dans ce contexte qu’a été déposée, le 8 octobre 2025, une nouvelle proposition de résolution (N°1899) portée par une cinquantaine de députés de La France insoumise (LFI), parmi lesquels David Guiraud, Mathilde Panot et Idir Boumertit. Leur objectif est clair : faire reconnaître officiellement le massacre du 17 octobre 1961 comme un crime d’État et inscrire sa commémoration au calendrier républicain.
Le texte, dense et documenté, revient sur les faits : un couvre-feu raciste visant les “Français musulmans d’Algérie”, une manifestation pacifique et une répression d’une brutalité sans nom. “Ce drame, peut-on lire dans l’exposé des motifs, n’est pas seulement le fait d’un homme, mais celui d’un système colonial et d’un appareil d’État qui légitimaient la violence contre ceux qui réclamaient l’indépendance de l’Algérie.”
Une mémoire toujours vive
Cette démarche résonne profondément au sein de la diaspora algérienne en France. Pour beaucoup, il ne s’agit pas d’une question d’histoire ancienne, mais d’une exigence de dignité et de transmission. C’est la reconnaissance que leurs parents, jadis discriminés et violentés, font pleinement partie de l’histoire de France.
Lors des commémorations organisées ce 17 octobre à Paris et dans plusieurs villes françaises, la prise de parole du député David Guiraud a marqué les esprits. “Reconnaître le 17 octobre 1961 comme un crime d’État, c’est rendre justice aux morts et vérité aux vivants”, a-t-il déclaré devant une foule émue, composée de descendants de victimes, de militants et d’élus engagés.
Une exigence de vérité pour bâtir l’avenir
Pour la diaspora, cette proposition n’est pas un simple geste symbolique. Elle représente un acte de réparation morale et une leçon de République. Car un pays qui affronte son passé avec lucidité est un pays plus fort, plus juste.
Reconnaître ce crime d’État, c’est refuser l’oubli. C’est rappeler que la République ne peut se construire ni sur la négation ni sur le silence. C’est aussi adresser un message fort aux jeunes générations franco-algériennes : leur mémoire compte, leur histoire a toute sa place dans le récit national.
Soixante-quatre ans après cette nuit de sang et de larmes, la vérité continue de remonter à la surface. Et dans ce combat, la voix de la diaspora algérienne, soutenue par des élus comme David Guiraud, résonne désormais au cœur même de la République.