L’économie algérienne se trouve à la croisée des chemins à l’approche de l’année 2026, que de nombreuses institutions internationales et experts annoncent déjà comme difficile, voire critique. Pourtant, le discours officiel, porté par le président Abdelmadjid Tebboune, semble résolument tourné vers l’horizon 2027.
Une année 2026 sous forte tension
Les analyses convergent pour qualifier 2026 de période de fortes turbulences. Le FMI, la Banque mondiale et plusieurs économistes indépendants tirent la sonnette d’alarme. Zoheir Rouis, économiste algérien et vice-président de Jil Jadid, a récemment résumé la gravité de la situation dans un article publié à ce sujet.
Une croissance du PIB modérée, entre 2,5% et 4,5%, encore largement dépendante des hydrocarbures, dans un contexte mondial marqué par la volatilité des prix du pétrole.
Une inflation qui devrait demeurer élevée, entre 5% et 6%, accentuant la pression sur le pouvoir d’achat des ménages et creusant le fossé social.
Une baisse progressive des réserves de change, qui passeraient de 70 milliards USD en 2024 à environ 64 milliards USD en 2026, traduisant la dégradation de la balance des paiements.
Un marché des devises sous tension, avec un risque accru de dévaluation du dinar, conséquence probable d’un désalignement prolongé entre le taux officiel et le taux parallèle.
Un déficit budgétaire structurel en hausse, doublé d’une dette publique dépassant 55% du PIB, limitant la marge de manœuvre financière de l’État.
Une diversification économique encore insuffisante
malgré une progression, les exportations hors hydrocarbures restent concentrées sur des produits faiblement valorisés et à fort impact environnemental.
Ces éléments composent un cocktail explosif menaçant la stabilité économique et sociale, alors que la population subit déjà un net recul du niveau de vie.
Tebboune et le mirage de 2027
Dans ce contexte préoccupant, les déclarations du président Tebboune paraissent parfois décalées. Il fixe en effet ses ambitions sur 2027, évoquant un PIB porté à 400 milliards de dollars, une industrie contribuant à 13% du PIB, un tissu entrepreneurial renforcé par des milliers de start-up, ainsi qu’une relance soutenue de l’investissement public et privé.
Cette vision de l’avenir, louable sur le papier, occulte pourtant l’urgence de 2026. Pourquoi le chef de l’État semble-t-il éluder une année où, selon presque tous les indicateurs, les risques économiques s’intensifient ? Pourquoi parler d’une « solution miracle » en 2027, alors que la crise pourrait frapper dès l’an prochain ?
La réponse se situe sans doute entre réalisme politique et stratégie médiatique. D’un côté, il s’agit de maintenir un discours d’espoir et de mobilisation autour d’un projet national ambitieux, afin de ne pas accentuer la défiance sociale tout en stimulant la confiance des investisseurs.
De l’autre, les défis structurels – réforme fiscale, rationalisation des dépenses publiques, lutte contre l’informel, transition énergétique – demeurent difficiles à aborder ouvertement tant leur traitement exige des réformes profondes et impopulaires.
Le président met ainsi en avant les réformes institutionnelles en cours : modernisation de l’administration, numérisation des services publics et amélioration de la gouvernance. Ces mesures visent à briser les rigidités bureaucratiques et à préparer le terrain à un éventuel décollage économique.
L’urgence d’un virage immédiat
Cette stratégie ne doit cependant pas faire oublier que le temps presse. La baisse continue des réserves, la poussée inflationniste et la montée des tensions sociales exigent des réponses immédiates, fondées sur la rigueur budgétaire et une politique économique réaliste.
2026, une année charnière
L’année 2026 s’annonce comme une véritable épreuve pour l’Algérie : celle où la résilience risque de céder face aux réalités. Ce pourrait être l’année de vérité, celle où devront cesser les effets d’annonce au profit de réformes structurelles profondes.
En regardant vers 2027, le président Tebboune cherche légitimement à nourrir l’espoir et tracer une feuille de route claire. Mais la question demeure : l’Algérie saura-t-elle éviter la crise majeure annoncée pour 2026 alors que tous les voyants sont au rouge ?
L’enjeu est de taille. Il conditionne non seulement la stabilité économique, mais aussi la paix sociale et la cohésion nationale. Face à ce défi, les vertus cardinales seront la transparence, la rigueur et, surtout, l’action immédiate.