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Internationale

28e sommet de l’UA : l ’Afrique face aux enjeux géostratégiques

Par Mohamed Zenina
29 janvier 2017

Le 28ème sommet de l’Union africaine s’ouvre à Addis-Abeba  les 30/31 janvier 2017 pour son Assemblée générale et ce afin de débattre de dossiers tant politiques, dont l’élection du nouveau président  de la Commission et la question de la réintégration du Maroc à l’UA, qu’économiques, avec le retournement des prix des matières premières qui  affecte le budget de bon nombre de pays africains.

 

 

1-L’Afrique couvre 30,353 millions de km2.  De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,2 milliard en 2016. Selon les projections démographiques, dans les années 2050 la population de l’Afrique se situera entre 2 et 3 milliards puis quatre (4) milliards en 2100. Mais sept pays regroupent plus de 50 % de la population.  Ainsi, le Nigeria pour 2016 a une population de 187 millions, l’Ethiopie 102, l’Egypte 94, la République démocratique du Congo 80, la Tanzanie 55, le Kenya 47, le Soudan , l’Algérie 41, le Maroc 40, le Ghana 28, la Cote d’Ivoire,  le Mozambique,  l’Angola, le Cameron entre 23/25, le Niger 20 et le Mali 18 millions d’habitants ; pour les autres pays du Maghreb, la Tunisie 11,3 et la Libye environ 6,3 millions d’habitants Cependant, il existe non pas une Afrique mais des Afriques. Sur la base de la revue du World Economic Outlook des économies les plus prospères du monde réalisée d’après des données publiées par le Fonds Monétaire International, Nextafrique.com identifie le top 10 africain qui domine aujourd’hui la croissance des affaires, en termes de PIB (produit intérieur brut) sont par ordre décroissant : le dixième –  10- Ethiopie : 48,1 milliards de dollars – 9.-Libye (PIB indéterminé). Dépendant presque entièrement du secteur pétrolier, malgré l’agitation politique et les chutes subséquentes du PIB, les revenus pétroliers du pays assurent encore à la Libye une place dans le top 10 du continent. -8- Kenya : 55,2 milliards de dollars -7- Soudan : 70,1 milliard de dollars -6- Maroc : 105,1 milliards de dollars -5- Angola : 121,7 milliards de dollars  -4.- Algérie : 211,9 milliards de dollars -3- Égypte : 271,4 milliards de dollars -2.-Afrique du Sud : 350,8 milliards de dollars – 1-. Nigéria : 580,5 milliards de dollars.

Certains pays notamment le Nigeria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière mais artificielle en fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie mondiale notamment des pays développés et émergents. A l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali, qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange. Des conflits internes et externes, la corruption d’une caste  et  le budget des dépenses militaires en Afrique qui dépasse l’entendement humain au détriment de l’allocation des ressources à des fins de développement,  accentuent la misère et  la famine. Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale mais existe un avenir promoteur comme l’atteste la majorité des rapports internationaux.

Selon l’IRES de Paris, l’Afrique représente seulement 1,5% du PIB mondial, 2% du commerce mondial et 2% à 3% des investissements directs étrangers.  L’Afrique est le continent dont le taux d’échange intra-communautaire est le plus bas. En effet, alors que le volume des échanges intra-asiatiques et intra-européens se situent respectivement aux alentours de 52% et de 72%, celui des échanges inter africains peine à franchir la barre des 12/15% selon  la Banque mondiale  et  la commission des Nations Unies pour l’Afrique, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%.  Les raisons sont multiples : le manque de cohérence des politiques en Afrique renvoyant à la gouvernance,  dont celles  des politiques commerciales, industrielles ou agricoles qui doivent pouvoir réaliser l’objectif de faire du commerce intra-communautaire et de l’intégration de véritables leviers du développement. Par ailleurs, le manque de capitaux, d’infrastructures, des taxes douanières qui coûtent très cher, tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges (1).

2.- l’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards de dollars causés par des flux illicites contre seulement 30 à 40 milliards d’aide au développement, a révélé le 30 novembre 2016 à Dakar, Amath Soumare, président fondateur de Sopel International et président du Centre africain de la Nouvelle économie, CANE Executive Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’Etat de droit,  la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales. Le développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts. Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale. Je mets en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage.

Cependant, évitons la sinistrose, malgré des conflits, nous enregistrons récemment une prise de conscience des citoyens africains et de certains dirigeants de l’urgence d’une nouvelle gouvernance et l’urgence de la valorisation de l’économie de la connaissance. Pourtant, l’Afrique est un grand enjeu géostratégique. Les différentes rencontres avec les grands pays sur l’avenir de l’Afrique montrent surtout la rivalité du couple Etats-Unis/Europe – Chine pour le contrôle économique de ce continent vital. L’erreur fatale serait d’opposer en ce XXIe siècle les Etats-Unis et l’Europe qui ont le même objectif stratégique, bien qu’existant certaines rivalités tactiques de court terme, la stratégie des firmes transnationales tendant à atténuer les divergences et uniformiser les relations internationales. Ainsi, l’Afrique, pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites d’une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une influence économique dans la mesure où en ce XXIe siècle l’ère des micro-Etats est révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples, nationales, régionales ou globales, mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales. . Face aux bouleversements géostratégiques, l’Afrique est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eus à relever jusqu’à présent. Mais avant tout, l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit.

En résumé, l’Afrique a besoin d’une vision stratégique, de cohérence, de visibilité, d’un discours de vérité et de leadershipL’Afrique, enjeu du XXIe siècle, continent à fortes potentialités doit impérativement aller vers des sous intégrations régionales  et  revoir sa gouvernance.

 

 (*) – Professeur des universités, expert international

(1) – Intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul à l’invitation de « L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » constituée d’importants acteurs africains et non africains) dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une grande rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème « l’Afrique doit réinventer son économie » en partenariat avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l’Homme, l’African Innovation Foundation « « Face aux enjeux géostratégiques, le développement et la sécurité de l’Afrique doit se fonder sur l’Etat de Droit et la bonne gouvernance». -Intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul invité d’honneur du professeur Jean-Pierre Chevenement président de l’Association Algérie-France et de la fondation Res Publica qui a organisé une rencontre avec d’importantes personnalités des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l‘Union européenne le 17 février 2014 à Paris sur le thème-« Face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l’Europe, facteur de stabilité de la région». 

-Dans le cadre de la tenue du forum africain d’investissements et d’affaires, qui s’est tenu  à Alger, du 03 au 05 décembre, le professeur des Universités, expert international, Dr Abderrahmane MEBTOUL, membre de plusieurs organisations internationales, dont membre du conseil scientifique de l’organisation panafricaine dépendante des Nations Unies- CAFRAD, ayant publié de nombreux travaux depuis 1992, sur l’Afrique, continent d’avenir et à enjeux multiples face aux enjeux géostratégiques,  avait  été sélectionné, à titre d’expert indépendant, pour l’Algérie comme modérateur par le Ministère des affaires étrangères algérien de la session de partage d’expérience (sharing expérience),qui  a été  consacrée à la présentation des expériences des communautés économiques régionales africaine dans l’intégration régionale en Afrique en présence  des représentants de la CEDEAO, CMESA, SADC, UEMOEA.

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