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300 dinars dz pour un euro, scénario pour un parallèle qui enfle

Par Ihsane El Kadi
8 novembre 2025

Au moment où l’assemblée nationale s’apprête à débattre du plus grand projet de budget jamais proposé par un gouvernement, les incertitudes sont nombreuses sur la conjoncture de 2026. Un paramètre, pourtant, se détache par la constance de sa trajectoire. Le dinar poursuit une décote rapide sur le marché parallèle.

En s’installant, ce début de novembre, au-dessus du seuil des 270 dinars pour un euro, sa valeur s’approche dangereusement d’un nouveau totem de marché. La valeur du dinar s’est dépréciée à 200 dinars pour un Euro à l’automne 2017. Elle est sur une trajectoire plongeante pour atteindre 300 dinars pour un Euro à la mi-2026. La monnaie nationale aurait ainsi mis neuf années pour perdre la moitié de sa valeur sur le marché parallèle. 

Le plus inquiétant est que sa dépréciation s’est considérablement accélérée sur le marché au noir depuis 2022(voir le graphe). Davantage perturbant, l’accélération connaît de moins en moins de paliers de répit depuis juillet dernier.

Le calcul qui situe le passage au-dessus des 300 dinars pour un Euro est un scénario médian bâti sur la base de l’évolution du taux de change depuis 2022. Si l’on devait le calculer sur la base de l’évolution du dernier trimestre, on atteindrait la borne des 300 dinars plus tôt en 2026. 

Les autorités ont fait le choix de défendre les réserves de change de la banque d’Algérie en transférant une partie de plus en plus importante de l’approvisionnement de l’économie et des ménages aux acteurs informels. La légalisation de la micro-importation – commerce du cabas – en est la mesure la plus explicite. 

L’automobile s’importe de plus en plus avec le dinar du marché noir. Cela est en train de devenir le cas d’autres biens d’équipement dans les transports ou bientôt dans la pêche. La part informelle de la pièce de rechange est en expansion continue. En gros, l’accès au dinar officiel se restreint de plus en plus aux acteurs

les plus institutionnels de l’économie et renvoie vers le square Port Saïd tout ce qui répond a des besoins considérés comme non essentiels dans la nomenclature de l’État. 

Ce choix ne semble avoir comme paramètre de pondération la seule inflation ressentie. Il est soutenable tant que la part des biens et services importés au taux du dinar domestique pèsera moins lourd dans les dépenses des ménages que la part des biens et services soutenus par le dinar subventionné. Mais d’autres incidences bien prévisibles guettent entre temps.

Le choix de maintenir un tel écart entre le taux officiel du dinar et son taux de marché domestique suggère un épisode amnésique. Une économie délinquante est née sous les années Bouteflika à cause de ce différentiel qui s’est accentué entre les deux taux à partir de 2012. Combiné à l’entrée en vigueur de la baisse des barrières tarifaires multilatérales, il était devenu plus « rentable » – pour les fraudeurs — de sur-déclarer la valeur d’une importation que de la sous-déclarer. 

L’accès au dinar de la banque d’Algérie s’est transformé en une machine de captation de parts indues de la rente énergétique au même titre que l’accès à l’immobilier et au foncier dans les années d’avant, avec toutefois d’une déperdition au passage au profit de partenaire-acolytes étrangers. L’écart supérieur, en 2025, à 80% de la valeur du dinar officiel entre les deux taux est, de fait, une incitation systémique à la perpétuation-relance de la fraude à la sur-déclaration. 

Cette tentation a été plutôt bien contenue durant le premier mandat de Abdelmadjid Tebboune. Il transparaît dans le récent scandale au ministère du Commerce extérieur que l’accès à l’autorisation d’importer, c’est-à-dire au dinar officiel, se monnaie fort. Les coûts de dissuasions, de contrôles, de répression sont des externalités encore sous-évaluées. Ils toqueront bientôt à la porte de la comptabilité nationale. À taux officiel égal – environ 150 dinars pour un euro actuellement – le passage des 300 dinars pour un Euro en 2026 va – avec désormais un écart de 100 % entre les deux dinars, accroître la tentation de la sur déclaration. 

Un débat se met timidement en place sur la nécessité de faire converger les deux taux de change. Cela signifie clairement, lâcher – laisser flotter, disent les économistes, le dinar pour qu’il retrouve une valeur de change plus proche de sa réalité de marché. Plus brutalement, il s’agirait de dévaluer et, de fait, de réduire drastiquement la subvention des importations. Ce n’est pas prêt d’être l’option des autorités. Pourtant, le préjudice le plus ravageur du dinar à bientôt 300 dinars pour un Euro est encore masqué.

La distorsion des prix du dinar domestique et du dinar officiel, est qu’elle est devenue un distributeur de ressources favorisant les activités à moindre potentiel de valeur ajoutée et d’innovation au détriment de celles qui portent le plus haut indice de croissance et d’intégration. Ce sera l’objet d’une autre chronique.

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