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500 Algériens à la mer en moins d’un mois : quand la jeunesse largue les amarres

Par Djaffer Ouigra 10 September 2025
harragas
En 2024, 1 807 embarcations ont été localisées par les autorités espagnoles.

Depuis le 1er septembre, plus de 500 jeunes Algériens ont rejoint l’Espagne par la mer. Ces traversées clandestines révèlent une crise profonde : toute une génération a cessé de croire en l’avenir dans son pays.

Les embarcations partent de Cherchell, d’Aïn Témouchent, d’Aïn Taya. Elles quittent les ports et les plages du littoral ouest d’Alger avec leur cargaison de rêves brisés. Plus de 500 Algériens ont tenté l’aventure depuis le début du mois, selon la presse locale.

Ces chiffres contredisent le discours officiel qui minimise le phénomène. La harga n’est plus l’affaire de quelques désespérés isolés. Elle devient massive, organisée, et surtout : elle attire des jeunes de tous horizons.

Quand l’espoir change de rive

“Les autorités n’ont ni solutions sécuritaires ni économiques pour contrôler la situation”, explique le sociologue Nacer Djabi, dans une interview accordée à Maghreb Emergent. “Elles ne peuvent pas apporter de vraies réponses aujourd’hui. La harga ne concerne pas que l’économie ou l’emploi : c’est tous les problèmes des jeunes Algériens qui convergent là-dedans.”

Car l’argent ne suffit plus. Ces jeunes ne cherchent pas seulement du travail : ils veulent un autre mode de vie. L’idéal européen les fascine, même inaccessible. Même l’État le reconnaît indirectement quand il promet des emplois : “Le rêve de vivre ici n’existe plus”, poursuit Djabi. “Ces jeunes ne voient plus leur avenir lié au pays. Il y a une rupture totale. Pour eux, l’avenir est ailleurs, même au prix de leur vie.”

Madrid s’inquiète de cette vague migratoire. Le Parquet général espagnol a tiré la sonnette d’alarme dans son rapport annuel. Il pointe “la croissance progressive du flux depuis l’Algérie”, accompagnée de trafics de drogue et d’êtres humains.

Les passeurs professionnalisent leurs méthodes. Ils exploitent la pénurie de bateaux au Maghreb et s’approvisionnent directement en Europe. Certains organisent même les traversées depuis l’Espagne : leurs embarcations font l’aller-retour, récupèrent les migrants en Algérie et reviennent chargées de drogue.

L’Union européenne confirme ce risque en évoquant l’infiltration de criminels parmi les migrants qui atteignent les Baléares et l’Andalousie.

Ces réseaux ne se contentent plus du transport. Ils gèrent l’hébergement des nouveaux arrivants et organisent leur dispersion vers d’autres régions espagnoles. “Une partie importante” de ces mafias s’est installée en Espagne tout en gardant ses liens avec l’Algérie, note le rapport.

L’ampleur du phénomène se mesure dans les rapports officiels. En effet, 1 807 embarcations ont été localisées en 2024 et 61 323 migrants détectés, soit 5 705 de plus qu’en 2023. À Ceuta et Melilla, les arrivées par voie terrestre ont doublé.

L’armée monte au créneau

La revue El Djeïch ne pouvait pas rester silencieuse. Dans son éditorial de septembre, la publication de l’armée dénonce des “campagnes médiatiques hostiles” qui exploiteraient ces départs pour “ternir l’image de l’Algérie”.

Le magazine rappelle que la migration clandestine frappe le monde entier. L’Algérie, troisième économie africaine, n’y échappe pas. El Djeïch met en garde contre la “stigmatisation” du pays à travers des cas isolés, notamment l’émigration de sept mineurs depuis Alger début septembre.

Pour la revue militaire, ces faits sont instrumentalisés pour “fragiliser la stabilité de l’Algérie”. Mais les jeunes continuent de partir. Ils risquent tout pour gagner l’Europe, convaincus que leur avenir se joue ailleurs. Pendant ce temps, Alger défend son bilan et dénonce les critiques.

Cette harga massive révèle plus qu’une crise économique. Elle expose le fossé entre une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans son pays et un pouvoir qui peine à la comprendre. Tant que ce décalage perdurera, les côtes algériennes continueront de se vider.

Septembre 2024 ne sera pas un accident. C’est un tournant. Quand 500 jeunes préfèrent l’incertitude de la mer aux certitudes de leur terre natale, c’est que quelque chose s’est cassé.

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