Me Nasr-Eddine Lezzar, avocat d’affaires et spécialiste en arbitrage économique est revenu aujourd’hui dans le quotidien El Watan sur le sujet crispant du recours Européen à l’arbitrage international contre les infractions commerciales de l’Algérie à l’accord d’association, qui lie Bruxelles et Alger depuis 2002.
« La démarche est malhabile » et découle d’une « manipulation politique » a-t-il affirmé, allant jusqu’à donner le nom du suspect : « Je crois que la France a pesé de tout son poids dans ce qui est, à mon avis, une dérive, un dérapage et même une provocation de l’Union européenne. »
À Alger, la France dans le viseur
À Alger, l’analyse de Me Lezzar fait écho à un sentiment largement partagé : si Bruxelles a choisi la voie de l’arbitrage, c’est bien Paris qui l’y a poussée. Un économiste influant d’un Think-tank local ne mâche pas ses mots : « C’est un coup de Macron. » Il rappelle qu’en 2022-2023, l’Espagne avait tenté sans succès de déclencher une procédure similaire. Cette fois, affirme-t-il, la différence tient au poids politique de la France : « À Bruxelles, c’est Paris qui mène la danse. »
Sans jamais nommer l’Hexagone, plusieurs consultants proches pro gouvernementaux distillent ce même message sur les chaînes publiques. La prudence est de rigueur, dictée par la ligne du président Abdelmadjid Tebboune, resté silencieux sur le sujet lors de son entretien télévisé du 18 juillet.
Un arbitrage à haut risque
L’affaire est loin d’être anodine. L’arbitrage prévu par l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne aboutira à une décision contraignante. Or, selon l’économiste précité, les restrictions commerciales imposées par l’Algérie sont anciennes, durables, et difficilement défendables : « Ce sont de facto des violations de l’accord. » En clair, la partie algérienne s’expose à une condamnation sur le fond.
Mais Me Lezzar nuance cette lecture. Il estime que l’Algérie peut invoquer les clauses de sauvegarde prévues dans l’accord, notamment pour protéger les industries naissantes ou en restructuration. Une ligne de défense habituellement solide, mais qui pourrait s’avérer limitée, un peu courte pour faire pencher une décision devant le tribunal arbitral.
La diplomatie en dernier recours
Face à cette escalade, Alger ne veut pas avancer perdante. Le ministère des Affaires étrangères a sollicité, dans un communiqué, la tenue d’un Conseil d’association, mécanisme prévu par l’accord pour désamorcer les différends avant qu’ils ne deviennent judiciaires. Une tentative de sauver ce qui peut encore l’être.
Pour Me Lezzar, c’est peut-être la dernière chance d’éviter une rupture. Une sentence arbitrale défavorable pourrait entraîner la fin de l’accord d’association. Un cadre qui « ne correspond plus aux ambitions industrielles de l’Algérie. » L’option diplomatique reste donc sur la table — fragile, mais encore ouverte.