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Abdelhak Bouattoura : une pénurie de cliché radio a concouru à une double erreur de diagnostic

Par Yazid Ferhat 16 septembre 2016

La famille du journaliste inhumé ce jeudi en présence d’une grande foule est décidée à poursuivre les responsables d’un faux diagnostic qui a fait perdre au malade des heures décisives pour le secourir.

Deux services d’urgence distincts de deux centres hospitalo-universitaires distincts à Alger se sont trompés sur l’origine des symptômes de coliques intestinales que présentait Abdelhak Bouattoura. Le ministre de la santé, des populations et de la réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf, présent au cimetière de Garidi jeudi, a, lors d’un échange avec des journalistes présents, démenti tout erreur médicale dans le secteur public de la santé. Les faits recueillis par Maghreb Emergent auprès de la famille du défunt sont sans équivoques.

Un premier loupé à l’hôpital Birtraria

Le dimanche 11 septembre à la mi-journée, Abdelhak Bouattoura, 61 ans, journaliste au long cours de la presse algérienne, est pris de douleur à l’abdomen. Il est transporté  au service d’urgence l’hôpital Djillali Belkhenchir (Ex Birtraria) à El biar. L’équipe médicale procède à un simple examen clinique sans imagerie, diagnostic une « constipation » et prescrit du Debrida, et des anti-douleurs.  Les douleurs se poursuivent et l’état général de Abdelhak Bouattoura se dégrade en début de soirée. Cette fois, c’est aux urgences médico-chirurgicales de Mustapha Bacha qu’il est transporté par sa famille.

Quatre images sur le même cliché

A son retour à la maison vers minuit, l’ancien journaliste d’Algérie Actualité a été condamné à une mort certaine, mais il ne le sait pas encore. Le médecin urgentiste de garde qui l’ausculte à  Mustapha Bacha passe à côté d’un tableau manifeste d’occlusion intestinale avec perforation et début de péritonite. Il demande un ASP (radio de l’abdomen sans préparation), mais le radiologue de service est contraint de prendre quatre images sur le même cliché radio. Il explique, désolé, à l’accompagnateur du malade, qu’il y a une pénurie de clichés et qu’il est obligé de les économiser en consacrant un seul cliché par patient. La conséquence est dramatique. L’urgentiste n’a pas de plan global sur toute la largeur d’un seul cliché. Il ne voit pas le début d’envahissement de l’abdomen par le liquide purulent signe d’un empoisonnement en cours, ni les signes de souffrance de l’intestin grêle en début de nécrose. Il confirme le premier diagnostic de l’hôpital Birtraria, et redonne une ordonnance quasi identique avec du Duphalac pour débloquer le transit  intestinal.

Des erreurs de protocole à la chaine

Un éminent professeur  de médecine présent mercredi soir à la veillée chez la famille Bouattoura au Télemny, s’est dit « atterré par le nombre d’infractions au protocole médical » dans le cas de la prise en charge  du patient. Le médecin urgentiste sur le vu de l’état général du malade « aurait du le mettre en observation » et aller rechercher l’avis du médecin chirurgien pour une autre lecture du cliché radio et pour un complément d’examen. Pour ce professeur, « il est incroyable que ce médecin interniste ait pris seul la décision de renvoyer » Bouattoura à la maison.  « Le plus probable est qu’à la veille de l’Aïd, il a du manqué un élément dans l’équipe chirurgicale, ce qui peut expliquer qu’elle n’a pas été sollicitée pour un avis décisif ».  L’enquête que revendique la famille du défunt journaliste devrait permettre de mieux comprendre ce qui s’est passé ce soir là aux urgences de Mustapha Bacha.

Trop tard

La suite a été une inexorable chute dans les limbes.  Abdelhak Bouattoura a souffert encore durant plusieurs heures la nuit chez lui. « Son teint a changé, il sentait ses forces le quitter » raconte Fadéla son épouse. Le bon diagnostic tombe un peu avant huit heures du matin à la clinique privée Al Azhar.  Ecographie et analyses du sang annoncent le pire. La propagation de l’infection dans l’abdomen a touché les reins. Pronostic vital désespéré. Dans l’heure qui suit, le patient entre pour cinq heures dans le bloc opératoire. Les 36 heures suivantes sa tension ne remonte jamais au delà de 5. Il est emporté le mercredi matin par une septicémie.

C’était un sujet à risque pour l’occlusion

Outre la pénurie de cliché qui rend approximative l’exploration en imagerie, la succession des erreurs de protocole dimanche dernier dans les deux hôpitaux publics devant le cas de Abdelhak Bouattoura est ahurissante. L’une d’entre elle est élémentaire ; le défaut d’exploitation du profil du malade. Abdelhak Bouattoura a été opéré d’une hernie au ventre il y a quelques années. Un entretien d’investigation sérieux sur les antécédents du patient aurait du alerter immédiatement les médecins qui l’ont reçu à Birtraria et Mustapha Bacha. Les opérés des hernies de ce type sont connus pour être des sujets à risque pour développer des brides intestinaux. Une strangulation d’une anse d’intestins qui, s’il ne se débride pas rapidement, conduit à des complications dangereuses (nécrose du grêle, perforation, péritonite). A la décharge des équipes

Une disparition précoce à 61 ans

Abdelhak Bouattoura a exercé durant de longues années le métier de journaliste politique à Algérie Actualité et à Horizons. Il a été ensuite en charge de la communication au ministère de l’intérieur avant de revenir au journalisme comme freelance puis épisodiquement comme rédacteur en chef d’une télévision privée. Il a laissé deux enfants. Un garçon de 24 ans et une fille de 18 ans.

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