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Accident Oued El Harrach : 18 millions de dinars à la charge du Trésor public, les assureurs aux abonnés absents

Par Yasser K
16 août 2025

L’État débourse 18 millions de dinars pour les victimes d’Oued Harrach. Une générosité présidentielle qui court-circuite le circuit habituel d’indemnisation par les assureurs.

Le réflexe est devenu automatique. À peine 24 heures après la tragédie d’Oued Harrach, où un autocar s’est renversé dans l’oued en faisant 18 morts et 24 blessés, le ministre de l’Intérieur Ibrahim Merad annonce la “solution” : 100 millions de centimes par famille endeuillée, sur décision du président Abdelmadjid Tebboune. “L’État prendra en charge le soutien aux familles touchées”, assure le ministre, promettant un communiqué officiel pour préciser les modalités.

Cette réaction compassionnelle cache pourtant une dérive inquiétante : l’habitude prise par l’État de suppléer systématiquement aux défaillances du secteur privé, quitte à faire payer le contribuable pour des responsabilités qui ne sont pas les siennes.

L’historien Hocine Kitouni met précisément le doigt sur cette aberration. “Il y a un problème là que je ne comprends pas : si l’autocar est assuré, c’est donc à l’assureur qu’il revient d’indemniser les victimes. La compassion, oui, elle est indispensable, le soutien psychologique, le suivi des victimes et de leurs proches, etc tout cela est nécessaire, mais pourquoi le trésor public doit-il payer, et payer quoi ? La vie des victimes vaut-elle 100 millions ? Pourquoi pas plus ou moins ?”, s’indigne-t-il sur son compte Facebook.

La question dérange mais mérite d’être posée. Dans un État de droit, l’indemnisation des victimes d’accidents de transport relève des compagnies d’assurance, pas du budget public. Cette confusion des rôles révèle un dysfonctionnement profond : l’État préfère endosser des responsabilités financières plutôt que d’exiger le respect des obligations légales par les acteurs privés.

Le résultat de cette politique est pervers : un système où chacun sait qu’en cas de problème, c’est “l’État qui paiera”. Une déresponsabilisation générale qui coûte cher aux finances publiques et n’incite personne à la prévention. Plus grave encore, cette générosité affichée masque surtout une stratégie d’évitement face aux vrais enjeux.

Les vraies questions escamotées

Plutôt que de s’attaquer aux causes structurelles des accidents, l’État préfère en effet soigner les conséquences à coups de millions. L’historien Hocine Kitouni poursuit son réquisitoire : “Le problème de fond, la cause de l’accident, l’état de délabrement scandaleux du parc national des bus de transport, des taxis, le suivi technique, l’état des routes, la qualification des chauffeurs, qu’est-ce qu’on en fait, perte et profit ? En attendant la catastrophe suivante ?”

L’accusation porte. Depuis des décennies, les mêmes carences se répètent : véhicules vétustes, contrôles techniques laxistes, formation des chauffeurs insuffisante, routes en mauvais état. Après chaque drame, les autorités promettent des mesures. Puis plus rien.

Cette impuissance face aux enjeux de fond exaspère l’historien. “On demande aux responsables d’être responsables, pas seulement devant les caméras de TV, mais dans la gestion de leurs secteurs respectifs, c’est la meilleure manière de rendre justice aux victimes et d’épargner la population, faute de quoi on ne tirera pas de leçons de ce qui vient de se passer.”

Un pays qui renonce à exiger

L’historien dresse un constat accablant de 63 années d’indépendance : “Sans réussir à régler la question de l’hygiène publique, celle du désordre urbanistique, des transports en commun, de la salubrité de nos écoles, de notre espace de loisir, c’est dramatique. Terrible et effrayant, et on n’a plus que nos larmes pour pleurer et prier.”

Son analyse devient plus cinglante : “Il nous restera alors que nos prières pour demander à la baraka de nos ancêtres de continuer à veiller sur nous, puisque nos responsables n’en sont pas capables”. Cette dépendance à la “baraka” plutôt qu’à la compétence gestionnaire résume, selon lui, l’échec des politiques publiques. L’Algérie mise sur la providence divine faute de gouvernance efficace.

La promesse présidentielle, certes généreuse, soulève donc des questions dérangeantes. Elle pourrait créer un précédent où l’État se substitue systématiquement aux assurances. Elle détourne aussi l’attention des réformes structurelles nécessaires. Plus grave, elle entretient une logique de l’après-coup. On indemnise les morts, on ne protège pas les vivants. Les familles touchent un million de dinars, le système défaillant reste en place.

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