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Agriculture saharienne : irriguer plus sans exploser la facture énergétique

Par Yasser K 21 décembre 2025
Agriculture saharienne. L'irrigation pivotante permet de cultiver céréales et fourrages dans le désert, mais à un coût énergétique croissant. Les pompes puisent l'eau à plus de 1 000 mètres de profondeur.

Dans l’agriculture saharienne, les superficies irriguées progressent rapidement. Dans la wilaya d’El Oued, elles avancent grâce aux pivots et aux forages, tandis qu’à Ouargla, près de 5 800 hectares supplémentaires ont été mis en valeur cette année.

En un an, Ouargla a doublé ses surfaces agricoles. La wilaya cultivait 5 802 hectares en 2023-2024, elle en exploite 11 400 cette saison. Céréales, fourrages, légumes : le Sahara produit, et il produit beaucoup. Ces 5 600 hectares supplémentaires, ce sont des pompes qui tournent jour et nuit, des forages à 1 000, parfois 2 000 mètres de profondeur dans la nappe Albian-Continental Intercalaire. Du gasoil, de l’électricité, des moteurs en continu.

Cette réalité de terrain explique en grande partie pourquoi la consommation énergétique du secteur agricole a bondi de 20% en 2024, atteignant 950 000 tonnes équivalent pétrole selon le bilan officiel du ministère de l’Énergie et des Mines.

Ouargla n’est pas seule dans cette dynamique, mais elle en est l’illustration la plus frappante. Chaque hectare irrigué au sud coûte plus cher en énergie qu’au nord. Et le sud ne cesse de s’étendre pour répondre aux objectifs de sécurité alimentaire et de croissance hors hydrocarbures, fixée à 4,7% en 2024.

Quand le pompage devient la norme

À Ouargla, irriguer n’est pas une option, c’est une obligation. Pas de pluie, pas de rivières, juste des nappes profondes qu’il faut aller chercher. Les 11 400 hectares actuels nécessitent un dispositif technique lourd : systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, stations de pompage diesel ou électriques, chambres froides pour stocker la production sous 45 degrés l’été. Chaque maillon de la chaîne consomme. Le ministère de l’Agriculture vise 2,6 millions d’hectares irrigués au niveau national, dont une part croissante au Sahara. Sur les 3 millions d’hectares emblavés en céréales cette saison, Ouargla, Biskra, Adrar pèsent de plus en plus lourd.

La production agricole vise 37 milliards de dollars en 2024, soit 2 milliards de plus qu’en 2023, et devrait représenter 15 % du PIB. Le Sahara est au cœur de cette dynamique, mais son rôle a un coût énergétique qui commence à poser question. L’irrigation des céréales couvre déjà 84 069 hectares dans le pays, soit 2,5 % des surfaces cultivées, surtout dans les wilayas du Sud. Sans encadrement technique, le risque est de figer un modèle où chaque quintal produit coûte en énergie plus qu’il ne rapporte en valeur ajoutée.

El Oued forme 300 agriculteurs pour ralentir la facture

Le 9e Salon national de l’agriculture saharienne s’est tenu à El Oued du 15 au 18 décembre, s’inscrit dans cet objectif: former les agriculteurs à irriguer de manière plus sobre et optimiser la production pour que la croissance des surfaces cultivées n’explose pas la consommation énergétique.

“Former les fellahs à des programmes adaptés aux besoins du marché, pour produire des volumes exportables sans gaspillage d’eau ni d’énergie”, a déclaré Ahmed Alali, professeur à l’université d’El Oued, spécialiste de l’agriculture saharienne.  

L’irshad agricole, ce mot arabe qui désigne l’accompagnement technique et scientifique, devient le maître-mot. Fayçal Houamdi, directeur général de l’Agence des services agricoles et superviseur du salon, affiche sa satisfaction. “Les participants ont abordé irrigation optimisée, qualité des produits, mécanisation éco-efficace. C’est l’outil le plus efficace pour rendre nos produits sahariens compétitifs sur les marchés internationaux.”

Des études de cas concrets ont été présentées lors du salon d’El Oued : pompage sobre, filières export de dattes et légumes, mécanisation raisonnée. L’idée est simple. Produire plus avec moins. Ou au moins stabiliser la courbe énergétique avant qu’elle ne devienne incontrôlable. Car si la facture continue de grimper au rythme actuel, l’équation économique finira par craquer. Une tonne de blé produite à Ouargla ne doit pas coûter en énergie plus que ce qu’elle rapporte en substitution d’importations.

Cette urgence de formation que prône El Oued rejoint aussi les préoccupations exprimées au niveau international. Le 4 décembre 2024, la Banque mondiale a publié son rapport sur l’économie algérienne. L’institution y appelle à transformer les pratiques d’irrigation face au réchauffement climatique et place la gestion de l’eau au centre de ses recommandations.

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