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Pétrole : le monde entrera dans un déficit structurel de l’offre, selon un rapport de l’AIE

Par Samy Injar 17 septembre 2025
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) alerte sur un risque structurel de déficit pétrolier mondial faute d’investissements suffisants dans l’amont.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévient que le monde s’oriente vers un déficit structurel de l’offre de pétrole. Faute d’investissements massifs dans l’amont, la production risque de décliner plus vite que la demande, avec des conséquences économiques majeures.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de publier un rapport alarmant sur l’avenir du marché pétrolier mondial. Selon l’organisation, près de 570 milliards de dollars d’investissements annuels dans l’amont pétrolier sont désormais nécessaires, non pas pour répondre à une croissance de la demande, mais simplement pour compenser le déclin naturel des gisements existants. Autrement dit, l’industrie mondiale « court pour rester sur place » : l’essentiel des dépenses sert uniquement à maintenir la production. Dans un contexte où la demande pourrait se stabiliser ou reculer, le constat est paradoxal mais implacable — sans réinvestissement massif, l’offre s’effondrera plus vite que la consommation.

Le déclin des super-géants, pilier historique de l’offre

Le rapport rappelle que les super-géants pétroliers découverts entre les années 1940 et 1970 constituent encore aujourd’hui la moitié de l’approvisionnement mondial. Ces gisements, pour la plupart situés au Moyen-Orient, en Russie et en Amérique du Nord, produisent depuis plus d’un demi-siècle des volumes gigantesques à très bas coûts. Mais ils sont vieillissants : la majorité a dépassé son pic de production, et même avec les techniques de récupération assistée, leur rendement diminue inexorablement.

L’AIE calcule que ces champs déclinent en moyenne de 2,7 % par an. Un chiffre qui peut sembler modeste, mais qui appliqué à des gisements produisant parfois 2 ou 3 millions de barils/jour représente des pertes colossales. La situation est d’autant plus préoccupante que les nouvelles découvertes ne suffisent plus à remplacer ces « éléphants » géologiques. La taille moyenne d’un nouveau champ découvert depuis 2010 est quatre fois plus petite que celle des découvertes des années 1970.

Les majors face à un dilemme stratégique

Pour les compagnies pétrolières, le défi est clair : comment arbitrer leurs investissements ? Deux options s’offrent à elles, chacune porteuse de risques.

D’un côté, les projets conventionnels, souvent offshore profond ou dans des zones géopolitiquement sensibles, nécessitent des capitaux immenses et près de vingt ans entre la découverte et la première production. Mais une fois en exploitation, ils offrent une stabilité sur le long terme et des débits relativement constants.

De l’autre, les ressources non conventionnelles (schistes américains, sables bitumineux canadiens) promettent des cycles de développement courts et des retours rapides sur capitaux. Toutefois, leurs taux de déclin sont fulgurants : sans réinvestissement permanent, la production chute de plus de 35 % dès la première année pour le pétrole de schiste.

Les majors oscillent donc entre rentabilité financière immédiate, réclamée par les actionnaires, et sécurité énergétique mondiale, qui exigerait de parier sur des projets plus coûteux mais durables.

Une menace aussi pour la transition énergétique

Le rapport souligne une contradiction majeure : même dans un scénario de neutralité carbone d’ici 2050, la planète restera dépendante du pétrole pendant encore plusieurs décennies. Si les investissements dans l’exploration et le développement conventionnel ne suivent pas, l’offre chutera plus vite que la demande, entraînant une flambée des prix.

Un marché pétrolier déficitaire aurait des conséquences négatives pour la transition énergétique. Des cours durablement élevés fragiliseraient les économies importatrices, notamment dans les pays en développement, et pourraient détourner des ressources financières destinées aux renouvelables. Paradoxalement, la volatilité du pétrole pourrait ralentir la décarbonation, alors même que les États cherchent à réduire leur dépendance aux hydrocarbures.

Vers une concentration accrue du pouvoir énergétique

Un autre signal inquiétant ressort du rapport : faute de nouvelles découvertes majeures ailleurs, la production mondiale se concentrera de plus en plus au Moyen-Orient et en Russie, où les champs géants déclinent plus lentement. Cette concentration fait peser un risque stratégique : la moindre instabilité géopolitique ou décision de limitation de production pourrait déstabiliser les marchés et accentuer la volatilité.

Investir malgré tout

L’AIE appelle les gouvernements et les compagnies à anticiper. Près de 45 millions de barils par jour de nouveaux apports seront nécessaires d’ici 2050 pour simplement maintenir la production actuelle. Une partie pourra provenir de ressources déjà découvertes mais non développées, estimées à 230 milliards de barils, mais cela suppose des investissements colossaux, rapides et continus.

En clair, le monde ne peut pas fermer les yeux sur l’épuisement progressif des grands champs pétroliers. Maintenir la production actuelle exigera de conjuguer exploration conventionnelle, exploitation des gisements déjà identifiés et diversification énergétique. Faute de quoi, l’économie mondiale risque d’entrer dès la prochaine décennie dans une phase de déficit structurel, avec des prix instables et une vulnérabilité géopolitique accrue — autant d’éléments susceptibles de compliquer une transition énergétique déjà semée d’obstacles.

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