Tassili Airlines disparaît, “Domestic Airlines” naît. Même personnel, mêmes avions, même patron. Seule l’étiquette change dans cette opération qui transforme un monopole en… monopole.
Hamza Benhamouda a le sourire aux lèvres ce 3 juillet. Le PDG d’Air Algérie vient d’annoncer le lancement de “Domestic Airlines”, présentée comme une filiale révolutionnaire spécialisée dans les vols intérieurs. Sauf que cette création miraculeuse intervient pile deux semaines après l’absorption définitive de Tassili Airlines, l’ancienne filiale de Sonatrach bouclée le 19 juin. Coïncidence ? Pas vraiment.
Cette opération transforme ce qui était jusqu’alors une banale fusion-acquisition en prétendues innovations du secteur aérien algérien. La nouvelle entité hérite d’une flotte de 28 appareils : les 12 avions de Tassili Airlines auxquels s’ajoutent 16 ATR spécialisés dans les liaisons domestiques. Personnel, droits opérationnels, actifs – tout passe sous le contrôle d’Air Algérie, qui devient l’unique maître du transport aérien intérieur public.
Cette restructuration répond, sur le papier, à une directive présidentielle. Le 12 mars dernier, Abdelmadjid Tebboune avait réclamé la création d’une “vraie” nouvelle compagnie aérienne domestique. Mission accomplie ? Pas si sûr.
Quand la concurrence s’évapore
L’absorption de Tassili Airlines signe l’arrêt de mort de la seule forme de concurrence publique qui existait encore sur le marché domestique algérien. Certes, Tassili restait une filiale de Sonatrach, mais elle gardait une autonomie opérationnelle notable, notamment sur les liaisons France-Algérie où elle bousculait parfois Air Algérie sur les tarifs et les horaires.
Cette époque est définitivement révolue. La création de Domestic Airlines, vendue comme une innovation, relève en réalité du simple repositionnement marketing. Du neuf avec du vieux, en quelque sorte.
Sans concurrent institutionnel, la compagnie nationale échappe à cette émulation qui, même limitée, l’obligeait à surveiller ses prix et ses services. Résultat prévisible : moins d’incitations à l’innovation, moins de pression sur les coûts, moins d’attention portée aux passagers.
L’art du changement cosmétique
L’opération Domestic Airlines illustre parfaitement une spécialité algérienne : satisfaire les directives politiques par des aménagements de façade plutôt que par de vraies transformations. Tebboune voulait une nouvelle compagnie capable de dynamiser le transport aérien domestique ? Il l’obtient. Que cette « création » soit en réalité une coquille vide, c’est un détail.
Pour les passagers algériens, le changement reste largement cosmétique. Qu’ils montent dans un appareil estampillé Air Algérie ou Domestic Airlines, ils dépendent du même groupe, subissent les mêmes dysfonctionnements, bénéficient des mêmes améliorations.
Cette stratégie du minimum syndical pose question sur la capacité du secteur public algérien à se réformer en profondeur. En transformant une directive de création en opération de communication, Air Algérie a certes évité les risques, mais aussi les opportunités d’une véritable modernisation. Le secteur aérien algérien sort consolidé de cette opération, mais pas nécessairement renforcé.