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Alger et Casablanca : la course stratégique des ports qui redessine la Méditerranée

Par Djaffar Ouigra
19 septembre 2025

La compétition entre l’Algérie et le Maroc prend aujourd’hui une dimension autant économique que géopolitique, avec un enjeu de taille : la maîtrise des infrastructures portuaires, leviers cruciaux de puissance régionale. Alors que le roi Mohammed VI inaugurait, le 18 septembre 2025, un complexe portuaire aux normes internationales à Casablanca, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, lors de la 4ᵉ Foire commerciale intra-africaine d’Alger (IATF), formulait une proposition tout aussi ambitieuse : ouvrir les ports algériens aux pays africains enclavés, insufflant une nouvelle dynamique aux échanges continentaux.

Casablanca : un port moderne, vitrine du rayonnement économique marocain

Le lancement par Mohammed VI d’un vaste programme de développement au port de Casablanca marque non seulement une avancée technique majeure, mais aussi un signal politique fort. Mobilisant près de 5 milliards de dirhams, ce projet comprend un port de pêche ultramoderne, un chantier naval de grande capacité et un terminal de croisières pouvant accueillir jusqu’à 450 000 visiteurs par an. Un complexe administratif innovant vient compléter l’ensemble, optimisant la gestion des services portuaires.

Ce port dépasse ainsi la simple dimension fonctionnelle : il symbolise la volonté du Maroc d’ancrer Casablanca comme hub économique et financier du continent africain, pleinement connecté au marché mondial. La stratégie portuaire marocaine repose sur la diversification, l’innovation et la qualité, conférant à Casablanca une longueur d’avance et des infrastructures capables de rivaliser avec les plus grands ports internationaux.

Cette vision proactive stimule à la fois le tourisme, l’industrie navale et les échanges commerciaux, attirant flux et investissements dans une dynamique d’avenir.

Tebboune, les ports algériens et la vocation africaine : un pari sur l’intégration continentale

Quelques jours avant l’inauguration royale au Maroc, Abdelmadjid Tebboune déclarait à Alger, lors de l’IATF 2025, que l’Algérie entendait ouvrir ses ports majeurs aux pays africains enclavés, dépourvus de façade maritime. Une ouverture stratégique qui leur offrirait un accès vital pour désenclaver leurs économies. Selon lui, dans cinq à six ans, les ports algériens deviendraient de véritables « voies express » du commerce intra-africain, un hub logistique intercontinental à même de concurrencer les grands ports européens.

Cette initiative s’inscrit dans une logique d’intégration économique panafricaine, visant à donner à l’Algérie un rôle incontournable dans la chaîne logistique africaine. En parallèle, Tebboune a ordonné l’ouverture d’un port spécialisé pour l’exportation du ciment, secteur clé de l’économie nationale, ainsi que le lancement de nouvelles liaisons aériennes vers plusieurs capitales africaines, autant de mesures concrètes pour soutenir cette stratégie.

Cependant, ces ambitions sont freinées par des réalisations encore inachevées, en particulier le méga-port initialement prévu à Cherchell, projet phare des années 2010, suspendu puis déplacé vers la wilaya de Boumerdès. Conçu pour accueillir 6,5 millions de conteneurs par an et doté d’infrastructures multimodales (autoroute, rail, zones industrielles), ce projet peine depuis plus d’une décennie à dépasser le stade des études. Cette lenteur fragilise la position algérienne dans la compétition.

Le sort réservé au port de Cherchell illustre les difficultés structurelles de l’Algérie face au défi portuaire. Le déplacement vers Boumerdès traduit la volonté de repartir sur des bases plus solides, mais retarde l’achèvement d’une infrastructure stratégique. À l’inverse, le Maroc avance résolument avec un port de Casablanca déjà opérationnel et intégré.

Une rivalité économique au service de la transformation du continent

Cette compétition portuaire entre l’Algérie et le Maroc reflète un enjeu plus vaste : définir le futur modèle économique africain, fondé sur la connectivité, la logistique et les échanges régionaux.

D’un côté, le Maroc consolide ses acquis et renforce son influence grâce à une vision claire et pragmatique. De l’autre, l’Algérie mise sur sa position géographique centrale et sur une ambition panafricaine qui exige toutefois une accélération des projets concrets.

Les ports de Casablanca, d’Alger ou encore de Djen Djen deviennent ainsi des carrefours stratégiques, des points de passage obligés pour la circulation des biens sur un continent en pleine mutation.

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