Le projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026), présenté à l’Assemblée populaire nationale, maintient le cap d’une politique budgétaire expansive, malgré la lente décrue des cours pétroliers et une économie toujours marquée par des rigidités structurelles.
Selon les projections gouvernementales, les déficits budgétaires resteront à des niveaux jugés « astronomiques » jusqu’en 2028, oscillant entre –23 % et –20,8 % du PIB. En valeur absolue, le déficit atteindrait 17 636 milliards DA en 2026, avant de se stabiliser autour de 18 500 milliards DA deux ans plus tard.
Les dépenses publiques continueraient de représenter plus de 40 % du PIB, tandis que les recettes fiscales, peu dynamiques, reculeraient légèrement en part relative. Le pari du gouvernement est clair : soutenir la croissance par la dépense, quitte à prolonger une trajectoire déficitaire déjà jugée risquée.
Sous-exécution : le nouvel outil d’ajustement silencieux
Si la trajectoire affichée semble vertigineuse, l’exécutif introduit dans le PLF 2026 une variable atténuante : le taux de consommation réel des crédits, évalué à 70 %.
En clair, le gouvernement anticipe qu’un tiers des dépenses votées ne sera pas effectivement réalisé. C’est sur cette base que le solde global du Trésor (SGT) – plus représentatif du besoin de financement net – s’établirait à –12,4 % du PIB en 2026, contre –23 % pour le solde budgétaire.
Autrement dit, la sous-exécution devient une variable d’ajustement : elle réduit le déficit apparent sans modifier la programmation.
Les lois de règlement budgétaire (LRB) de 2021 et 2022 ont confirmé cette tendance structurelle, déjà pointée par la Cour des comptes : les taux d’exécution des dépenses d’investissement oscillent souvent entre 50 % et 70 %.
Résultat : des déficits effectifs bien plus faibles que ceux anticipés : –10,4 % du PIB en 2021 et –9,8 % en 2022, contre –13,6 % et –18,1 % prévus.
Le ministère des Finances intègre désormais ce comportement historique de non-absorption dans sa planification.
Des alertes réitérées sur la soutenabilité
Pour les bailleurs internationaux, la stratégie algérienne de maintien d’une dépense publique élevée malgré des déficits massifs reste difficilement tenable.
Le FMI et la Banque mondiale ont mis en garde contre l’érosion de la marge de manœuvre budgétaire : le FMI estime le déficit global à 13,9 % du PIB en 2024, soulignant la dépendance persistante aux hydrocarbures et l’insuffisance de la fiscalité hors pétrole.
Malgré ces avertissements, Alger ne dévie pas. Le PLF 2026 demeure expansif, avec des subventions, des salaires et des investissements soutenus.
L’hypothèse centrale repose sur une croissance réelle de 4 à 4,5 %, censée absorber les déficits sans réformes fiscales majeures.
Le recours au financement monétaire
Reste la question du financement. Pour soutenir ces déséquilibres, l’Algérie a discrètement réactivé le financement non conventionnel, suspendu en 2019 mais relancé depuis 2021 : rachats d’actifs par la Banque d’Algérie, avances au Trésor, refinancements de titres publics.
Ces opérations, censées stabiliser la dette intérieure, traduisent un retour partiel à la monétisation du déficit. Le stock de financement monétaire, estimé à plus de 6 000 milliards DA, pèse désormais lourdement dans la structure du passif du Trésor.
Ce choix comporte un risque inflationniste latent et un risque de dépendance budgétaire.
En misant sur la sous-exécution pour contenir les déficits apparents tout en maintenant une programmation massivement déficitaire, le gouvernement algérien choisit une voie médiane entre rigueur et expansion.
Mais cette équation repose sur des hypothèses fragiles : prix du pétrole élevé, stabilité politique et absence de chocs exogènes.
À défaut de diversification et de réforme fiscale, le « répit » offert par la sous-exécution pourrait bien n’être qu’un mirage comptable.