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Algérie – «Ce qui se passe à Ghardaïa relève de l’apartheid et du racisme d’Etat» (Kamel Eddine Fekhar)

Par Maghreb Émergent 24 janvier 2014
Fekhar
Kamel Eddine Fekhar, militant des droits de l'homme (DR)

Rencontré à Ghardaïa où la tension reste vive entre les communautés mozabite et arabe, le militant des droits de l’homme Kamel Eddine Fekhar ne fait pas dans la dentelle pour décrire la situation. Pour lui, la communauté mozabite, dont il fait partie, est victime d’un insupportable ostracisme d’Etat et de racisme ordinaire de la part des arabes malékites. Entretien dans le chaud des derniers événements.

 Ces derniers jours, la Vallée du M’Zab vit dans la peur et l’inquiétude, sur fond de violences mortelles entre Mozabites et arabes. Comment en est-on arrivé là ?

Kamel Fekhar : Ce qui se passe à Ghardaïa est une catastrophe avec plusieurs facettes. La première est que c’est une guerre menée par le pouvoir avec toutes ses capacités contre une partie de la population algérienne que sont les Mozabites. La seconde est celle de la communauté arabe de Ghardaïa avec la haine et l’acharnement que l’on a connu ces derniers mois. Les mozabites sont obligés de s’organiser et se défendre contre ces agressions qui ont fait 2 morts et des dizaines de blessés. Ce qui est frappant c’est surtout la complicité flagrante des policiers avec ces bandes d’agresseurs.
Pour moi, l’Etat manipule ces groupes comme des milices, des mercenaires pour on ne sait quelle fin. Troisièmement, ce qui frappe réellement c’est le silence incompréhensible de ce qu’on appelle les intellectuels, les politiciens et les militants des droits de l’homme. Ils observent un silence total. A part les amazighs qui bougent, que ce soit à Tizi Ouzou, à Paris ou au Canada, le reste de l’Algérie est totalement insensible aux souffrances des mozabites, qui sont connus à travers le monde pour être des gens pacifiques.
Et la quatrième chose qui m’a marquée et qui me rends malade, c’est le racisme émanant des pseudos intellectuels et humanistes qui me reprochent le fait de dire que les assaillants sont des arabes. Leur seul problème est le fait que je dise que ce sont les arabes qui agressent les mozabites. Ce ne sont tout de même pas les martiens !

Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette agressivité de la communauté arabe à l’encontre des mozabites ?

Ils sont encouragés par le pouvoir, qui les utilise comme des mercenaires, c’est aussi simple que cela. Imaginez, un instant à Alger, si on laisse des voyous s’attaquer à de paisibles citoyens. A Ghardaïa, c’est encore une fois l’impunité et la complicité qui encourage toute cette violence…

Pour quelle finalité ?

Là, il faut poser la question à Bouteflika (le président de la République, Ndlr) ou ceux qui sont derrière lui. Parce que je suis sûr que les ordres viennent de très haut. Il faut poser la question au sommet du pouvoir algérien. Puisque Bouteflika est gravement malade, il faudra dans ce cas voir avec celui qui le remplace.

Croyez-vous à un conflit inter-communautaire entre mozabites Ibadites et arabes Malékites ?

Les arabes sont utilisés comme des mercenaires qui trouvent l’occasion d’exprimer leur haine dans l’impunité totale avec la couverture du pouvoir algérien. Et puis, il y a aussi ces gens qui couvrent les criminels. Comme l’Association des Ulémas algériens qui vient nous faire des leçons de morale et appelant à la cohabitation. Quelle cohabitation ? Celle qui veut que je me fasse agresser chez moi ? Si conflit communautaire il y a, il n’existe que chez la communauté arabe qui nous agresse. C’est du racisme qui s’exprime de manière terrible.

Comment voyez-vous l’intervention de l’Etat pour régler le problème à Ghardaïa ?

L’Etat c’est le pouvoir et il est du coté des agresseurs. Le jeune mort mercredi, a été tabassé par des agresseurs et laissé pour mort en plein rue. Les policiers au lieu de l’amener à l’hôpital l’ont achevé. Pour moi, la police représente le pouvoir. Le comble, c’est que la police arrête des mozabites dans la rue, dans leurs quartiers et les hôpitaux et leur fait coller des accusations très graves. C’est de l’Apartheid et du racisme d’Etat.

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