Malgré les tensions passées, les exportateurs espagnols du secteur chimique multiplient les signaux d’intérêt pour le marché algérien. Plastiques techniques, composés organiques, équipements de transformation : l’Algérie reste un débouché stratégique, marqué par une forte dépendance aux importations et des projets industriels encore en gestation.
Les opérateurs espagnols de la chimie, encouragés par la détente enregistrée dans les relations commerciales, affichent un intérêt très marqué pour le marché algérien, en particulier dans les segments des plastiques techniques et des composés organiques. Une journée d’information organisée le 26 septembre dernier par Feique, la Fédération espagnole de l’industrie chimique, et ICEX España Exportación e Inversiones, l’agence publique chargée de promouvoir les exportations espagnoles à l’international, a mis en évidence les besoins algériens qui restent élevés malgré des projets structurants qui ne peuvent inverser la tendance.
Au-delà des enjeux réglementaires et douaniers abordés pendant le webinaire, et malgré les ambitions industrielles affichées par l’Algérie, c’est cette demande algérienne persistante en produits chimiques de base qui a été soulignée.
Une dépendance structurelle dans les segments critiques
Entre 2020 et 2024, les importations algériennes de produits chimiques ont connu une croissance de 58 %, dépassant les 4,2 milliards d’euros par an. Cette hausse se concentre sur des segments bien identifiés : les plastiques polymères (polypropylène, PVC, PET), les composés organiques de base (alcools, acides, solvants), ainsi que les résines et additifs utilisés dans les formulations industrielles.
Selon les données publiées à l’occasion du salon professionnel Plast Alger, organisé du 24 au 26 février 2025 au Palais des Expositions – SAFEX à Alger, en partenariat avec l’association européenne EUROMAP (spécialisée dans les statistiques du secteur plastique), les importations de matières plastiques ont atteint 1 095 000 tonnes en 2024, contre 304 000 tonnes en 2007, soit une hausse de +260 %.
L’Algérie se classe désormais troisième importateur régional, derrière les Émirats arabes unis et l’Égypte. En parallèle, les importations de technologies plastiques (machines, équipements) ont progressé de 32 % par an entre 2020 et 2023, atteignant 210 millions d’euros en 2023, ce qui fait de l’Algérie le deuxième plus grand importateur africain dans ce domaine.
Du côté des composés organiques, les données issues de la plateforme internationale TradeMap, développée par le Centre du commerce international (CCI), indiquent une évolution soutenue. Le code SH 29, qui regroupe les produits chimiques organiques (alcools, acides, solvants, esters, etc.), montre une progression des importations algériennes : de 381,9 millions USD en 2020 à 574,2 millions USD en 2024, avec un pic à 681,6 millions USD en 2022, soit une croissance de +50 % sur cinq ans.
L’Espagne, fournisseur résilient
Malgré les turbulences diplomatiques de 2022, qui ont temporairement gelé les échanges commerciaux entre Alger et Madrid, l’Espagne reste l’un des principaux fournisseurs de l’Algérie dans les segments ciblés. Les exportations espagnoles de produits chimiques vers l’Algérie sont estimées à plus de 600 millions d’euros par an, dont près de 70 % concernent les plastiques et les composés organiques.
Les entreprises espagnoles bénéficient d’une proximité géographique, d’une expertise reconnue dans les formulations sur mesure, et d’un réseau logistique performant via les ports de Valence, Barcelone et Algésiras. La levée des restrictions bancaires en novembre 2024 a permis une reprise progressive des flux, notamment dans les produits à haute valeur ajoutée.
Des projets algériens encore en gestation
Le plan quinquennal 2025–2029 prévoit plusieurs projets structurants dans la chimie de base : une unité de polypropylène à Arzew, une installation de séparation de condensats à Hassi Messaoud, et des plateformes de formulation à Sétif et Relizane. Mais ces projets, bien qu’ambitieux, ne suffisent pas à court terme à inverser la tendance. Les contraintes technologiques, les délais d’exécution et les exigences de transformation locale imposées aux importateurs rendent la substitution difficile. Pour les opérateurs espagnols, cela ouvre une fenêtre stratégique : celle de proposer des solutions hybrides, combinant fourniture de matière et accompagnement industriel.
Au cours de cette journée, des opérateurs ont souligné que la relation algéro-espagnole dans le secteur chimique pourrait évoluer vers une coopération industrielle plus structurée. À condition de dépasser les logiques de méfiance et de court terme, les deux pays ont intérêt à bâtir des partenariats autour de la transformation locale, de la formation technique et du transfert de savoir-faire.