En croissance depuis quatre ans, la finance islamique affiche des volumes en nette progression. Pourtant, elle reste encore très loin derrière l’épargne traditionnelle, qui continue de concentrer l’essentiel des dépôts des Algériens.
Depuis son lancement à grande échelle en 2020, la finance islamique a mobilisé plus de 900 milliards de dinars, dont 506 milliards en dépôts et 437 milliards en financements. Douze établissements, dont deux exclusivement islamiques, proposent désormais ces produits. Le secteur comptait 745 000 comptes ouverts à la fin septembre 2024.
Cette progression reste néanmoins modeste si on la compare à l’épargne classique. Les seuls comptes d’Algérie Poste rassemblent 1348 milliards de dinars. En ajoutant les dépôts aux CCP et au Trésor, le total atteint 2 126 milliards. Quant au système bancaire traditionnel, il comptabilise 13,7 millions de comptes en dinars, soit près de dix-huit fois plus que l’ensemble de la finance islamique.
Des rendements sans véritable avantage
Dans les banques classiques, les taux de rémunération oscillent entre 2,5 % et 4,5 %, selon les montants déposés. La Banque nationale d’Algérie applique 2,5 % pour l’épargne standard et jusqu’à 4,5 % pour les dépôts dépassant 200 millions de dinars. La Banque de développement local propose une grille allant de 2,5 % à 3,8 %.
Les produits islamiques, censés se distinguer par un mécanisme de partage des profits, offrent en réalité des rendements très proches de ceux des banques conventionnelles. Cette quasi-équivalence réduit leur attractivité, notamment quand les taux effectifs des crédits classiques varient de 5,7 % pour le long terme à plus de 10 % pour la consommation.
Un impact économique limité
La structure des financements islamiques montre une forte concentration : environ 70 % sont dirigés vers l’immobilier et le commerce, contre seulement 20 % pour des activités productives. L’effet attendu en matière d’inclusion financière reste également faible. Selon les données disponibles, quatre nouveaux clients sur cinq étaient déjà bancarisés avant d’ouvrir un compte islamique.
L’épargne classique, bien qu’imposante, souffre de ses propres limites. Malgré l’ampleur des dépôts, leur utilisation reste faible. Seuls 44 % des adultes possèdent un compte bancaire en Algérie, contre 70 % en Tunisie et 60 % au Maroc. Une partie importante de l’épargne nationale demeure donc immobilisée dans les CCP ou circule en dehors du système bancaire, sans être réinvestie dans l’économie.
Une dynamique mondiale mais marginale
À l’échelle internationale, la finance islamique enregistre une croissance annuelle estimée à 15 % et pourrait atteindre 4 940 milliards de dollars d’actifs en 2025. Mais son poids reste très limité comparé aux 360 000 milliards d’actifs financiers du système conventionnel.
En Algérie, l’essor de la finance islamique traduit surtout l’effort des banques pour diversifier leur offre et répondre à la demande d’une partie de la clientèle. Mais son rôle économique demeure restreint. Quant à l’épargne classique, elle reste massive mais insuffisamment orientée vers l’investissement.