À l’issue de sa rencontre, hier, 23 septembre 2025, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, a souligné sur son compte X (ex-Twitter) la volonté commune de relancer la coopération : « Nous avons passé en revue les bonnes relations bilatérales, y compris l’augmentation de 190 % des exportations espagnoles. Nous sommes déterminés à renforcer notre amitié et notre coopération. »
Le chef de la diplomatie espagnole, a également rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, la ponctuant d’un tweet chaleureux assurant que les relations entre Madrid et Rabat sont « à leur meilleur moment historique ». Avec l’Algérie, Albares adopte un pragmatisme à toute épreuve. Trois ans après une crise diplomatique lourde, mais moins acrimonieuse qu’entre Alger et Paris, les deux pays cherchent pas à pas le chemin de l’apaisement.
Un virage et une crise
Le virage de Madrid en 2022, affirmant que la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara occidental constitue « la base la plus sérieuse, crédible et réaliste » pour résoudre le conflit, a provoqué une crise sans précédent. Cette décision, rompant avec la neutralité traditionnelle de l’Espagne depuis son retrait du territoire en 1975, a entraîné le rappel de l’ambassadeur algérien à Madrid, la suspension du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération signé en 2002, et un quasi-gel des échanges commerciaux en juin 2022. Jusqu’alors solide grâce aux livraisons de gaz et aux liens économiques, la relation bilatérale a été brutalement fragilisée.
Dégel
Pourtant, les deux capitales n’ont jamais fermé complètement la porte. Fin 2023, l’ambassadeur d’Algérie regagne Madrid et, en novembre, Alger lève les restrictions sur les importations espagnoles. Ce dégel se traduit dès 2024 par une reprise spectaculaire des échanges. Le commerce entre l’Algérie et l’Espagne connaît un rebond remarquable : selon la presse espagnole, les exportations vers l’Algérie ont progressé de 162 % sur les cinq premiers mois de 2025 par rapport à la même période de 2024, pour atteindre près de 900 millions d’euros.
Le seul mois de mai 2025 illustre ce redémarrage : 217 millions d’euros d’exportations espagnoles contre 54,5 millions un an plus tôt. L’industrie céramique, longtemps paralysée par les mesures de rétorsion algérienne, figure parmi les premiers secteurs à profiter de ce regain.
Il faut souligner que le domaine de l’énergie n’a jamais été affecté par la crise. Les contrats gaziers liant Sonatrach à ses partenaires espagnols ont continué à être honorés même au plus fort des tensions politiques. En dépit des divergences sur le Sahara occidental, Alger a toujours maintenu ses engagements énergétiques, confirmant l’interdépendance structurelle des deux pays.
Un “pays ami”
Le retour des flux commerciaux hors énergie illustre la force d’une logique pragmatique : l’Espagne retrouve un débouché majeur pour ses exportations industrielles, tandis que l’Algérie réduit la tension avec un partenaire essentiel. Même si la crise entre Alger et Madrid a été vive, elle n’a pas atteint les niveaux de quasi-rupture observés entre Alger et Paris. Bien que l’Espagne n’ait pas renoncé à son « virage » pro-marocain sur le Sahara occidental, le président Tebboune a saisi, le 19 février 2025, l’occasion de la remise d’un prix littéraire espagnol à Yasmina Khadra pour qualifier dans un message à l’écrivain l’Espagne de « pays ami ».
Ces propos scellent une démarche d’apaisement graduel fondée sur des intérêts partagés. À cela s’ajoute un facteur souvent sous-estimé : l’opinion publique algérienne. L’Espagne bénéficie d’un capital de sympathie, en grande partie lié à sa prise de position en faveur de la cause palestinienne au sein de l’Union européenne. Dans un pays où la solidarité avec les Palestiniens est un élément majeur de la conscience politique, cet engagement compte.