Le président Abdelmadjid Tebboune pourrait se rendre prochainement à Madrid, indique ce mardi le média espagnol en ligne The Objective. Cette perspective intervient alors que Madrid s’apprête à nommer un nouvel ambassadeur à Alger et que les deux pays cherchent à normaliser progressivement leurs relations après plusieurs années de tensions diplomatiques et économiques.
The Objective a annoncé également que le gouvernement espagnol prévoit de nommer Ramiro Fernández Bachiller nouvel ambassadeur à Alger, en remplacement de Fernando Morán Calvo-Sotelo, qui part à la retraite. Cette annonce intervient à la veille du sommet bilatéral entre Madrid et Rabat. Le média y voit un signal de Madrid visant à dépasser la crise née en 2022 du soutien espagnol à la thèse marocaine sur le Sahara occidental, qui avait entraîné la suspension du traité d’amitié, le gel des échanges et un recul brutal des exportations espagnoles vers l’Algérie.
“Pays ami”
Les relations entre Alger et Madrid, après cette période de grand froid, connaissent un dégel progressif sur le plan économique, les entreprises espagnoles regagnant peu à peu les positions perdues. Sur le plan politique, un tournant semblait avoir été pris dès février 2025. Les observateurs avaient relevé l’usage de la formule « pays ami » pour l’Espagne dans un message de félicitations adressé par le chef de l’État à Yasmina Khadra, lauréat du Prix du Parlement des écrivains de la Méditerranée (PEM) à Valence : « Je vous félicite pour cette victoire internationale, que vous avez obtenue du pays ami l’Espagne, qui a, une fois de plus, mis en valeur vos hautes capacités dans le domaine du roman ».
Un gros impact sur les entreprises espagnoles
Sur le plan économique, les conséquences de la crise ont été particulièrement lourdes pour les entreprises espagnoles. The Objective a recensé plusieurs bilans successifs montrant l’ampleur de la chute des exportations vers l’Algérie. Dans les quatre premiers mois du blocage, les pertes atteignaient déjà environ 486 millions d’euros. Six mois plus tard, elles s’élevaient à 773 millions. Au printemps 2023, les pertes cumulées étaient évaluées à plus de 1 086 millions, avant de dépasser 1 528 millions sur onze mois. À la fin de l’année 2023, le total des exportations perdues se situait à près de 1 748 millions d’euros. L’effondrement des exportations espagnoles, tombées à 1,02 milliard d’euros en 2022 — soit une baisse de près de 60 % — confirmait l’ampleur du choc, particulièrement pour la céramique, les matériaux de construction, l’automobile et les biens industriels.
Un choc réel, non chiffré officiellement, sur l’économie algérienne
Du côté algérien, aucune donnée officielle n’a été publiée concernant l’impact économique de la crise. Néanmoins, il est possible d’établir une estimation théorique, uniquement indicative, destinée à donner un ordre de grandeur. Le remplacement soudain des fournisseurs espagnols par des fournisseurs italiens, turcs ou chinois a vraisemblablement entraîné un surcoût moyen de 7 à 15 % sur une partie des importations industrielles, soit entre 100 et 150 millions d’euros par an. À cela s’ajoutent les retards de projets industriels et de chantiers — notamment dans le BTP et les secteurs dépendant d’équipements espagnols — estimés entre 50 et 120 millions d’euros annuels. Enfin, les interruptions d’approvisionnement pour les importateurs et distributeurs algériens, ainsi que pour certaines PME industrielles, peuvent représenter 40 à 80 millions d’euros supplémentaires.
Au total, les dommages économiques pour l’e secteur privé l’économie algérienne pourraient se situer sur une année de crise entre 190 et 350 millions d’euros, et entre 380 et 700 millions sur l’ensemble de la période 2022–2023. Si l’Espagne a été davantage affectée en raison de la perte d’un marché important, l’Algérie a subi un choc moins visible mais tangible, se traduisant par un surcoût notable pour son tissu industriel et commercial et des perturbations dans ses chaînes d’approvisionnement.
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Normalisation graduelle
Depuis la fin de l’année 2024, un processus graduel de normalisation s’est enclenché. La levée progressive des restrictions bancaires a permis une reprise rapide des échanges co!mmerciaux, et plusieurs secteurs espagnols ont regagné des parts de marché en Algérie. Parallèlement, la coopération sécuritaire et migratoire a été relancée. Dans ce contexte, la perspective d’une visite du président Tebboune à Madrid est perçue par The Objective comme un signal politique fort. Une telle visite constituerait la première depuis le début de son mandat et marquerait une étape symbolique dans la stabilisation des relations algéro-espagnoles.