Alger a officialisé, par la voie du Journal officiel, la fin de l’accord de 2013 sur l’exemption de visas diplomatiques avec la France. Douze ans après sa signature, ce texte disparaît dans un climat où chaque geste entre Alger et Paris prend une dimension politique.
L’arrangement avait été conçu pour faciliter les déplacements des hauts responsables et diplomates des deux pays. Dans les faits, il profitait surtout aux fonctionnaires français, plus nombreux à se rendre à Alger qu’à l’inverse. Sa suppression met fin à une asymétrie devenue criante : désormais, les officiels français devront solliciter des visas comme n’importe quel visiteur étranger, et les diplomates algériens feront de même pour entrer en France.
En décembre 2013, François Hollande et Abdelaziz Bouteflika avaient présenté cet accord comme un signe de normalisation. Il devait illustrer un rapprochement diplomatique et gommer les aspérités d’une relation saturée de mémoires douloureuses. Mais la réalité ne trompait personne : alors que les élites circulaient librement, la majorité des Algériens continuaient à affronter le mur des consulats, entre lenteurs, humiliations et quotas opaques. Cette contradiction alimentait une colère sourde, accentuée par la politique française de restriction des visas à partir de 2021.
La fin d’un privilège et le début d’un rééquilibrage
Depuis 2022, Alger démonte un à un les arrangements bilatéraux jugés déséquilibrés avec Paris. La fin de l’accord de 2013 n’est qu’un épisode de plus dans ce processus. Chaque texte est réexaminé, corrigé ou dénoncé lorsqu’il ne correspond plus aux rapports de force actuels. Sur les questions mémorielles, migratoires ou stratégiques en Afrique, les divergences se sont multipliées, renforçant l’idée que les privilèges accordés à la France n’avaient plus de justification.
Cette décision traduit aussi une évolution géopolitique. L’Algérie s’est tournée vers d’autres partenaires -Chine, Russie, Turquie, pays du Golfe – et a réduit le poids relatif de la France dans son jeu extérieur. Le retrait de l’exemption de visas diplomatiques n’est qu’un maillon de cette chaîne : une manière d’affirmer que Paris n’est plus un interlocuteur privilégié, mais un acteur parmi d’autres.
Pour les chancelleries, l’impact concret sera limité : les procédures s’adapteront, les visas seront délivrés. Mais dans l’ordre symbolique, la portée est lourde. Ce décret signifie qu’Alger refuse désormais de maintenir la France dans une position d’exception. Ce qui tombe, avec cet accord de 2013, c’est l’idée que les liens historiques pouvaient encore se traduire en privilèges administratifs. À la place, se dessine une relation froide, marquée par la réciprocité stricte et par un équilibre imposé, non négocié.