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Algérie-France : l’indispensable reprise du dialogue après une crise sans précédent

Par Mohammed Iouanoughene 11 novembre 2025

Après plus d’un an de crise diplomatique sévère, marquée par des tensions historiques exacerbées, des mesures de blocages mutuels et des conséquences lourdes sur les relations bilatérales, des signaux positifs de reprise de dialogue émergent enfin. Le directeur de la DGSE, Nicolas Lerner, a évoqué des « signaux » de la part d’Alger indiquant une volonté d’engager un rapprochement diplomatique. Cette évolution pourrait ouvrir la voie à des discussions pour désamorcer la crise née de différends politiques profonds.

Par ailleurs, l’ouverture affichée par le ministre de l’Intérieur français, attendu à Alger prochainement, est un premier pas dans le sens de l’apaisement. Ce déplacement diplomatique, s’il se concrétise, intervient dans un contexte de rééquilibrage géopolitique, avec une France cherchant à renforcer sa présence et son influence au Maghreb face aux enjeux sécuritaires au Sahel et à la montée en puissance d’autres puissances mondiales.

Un coût économique considérable

La crise diplomatique a entraîné un lourd tribut économique pour les deux pays. Selon un rapport de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale française rendu public récemment, l’arrêt des importations de blé français par l’Algérie — historiquement un marché clé avec 5 millions de tonnes annuelles — a provoqué un choc considérable pour l’industrie agricole française. Ce revirement a engendré une perte significative du surplus commercial agricole français et une reconfiguration forcée des débouchés à l’échelle internationale.

Plusieurs milliers d’emplois sont menacés, notamment dans les secteurs automobile, agroalimentaire et construction, car 450 entreprises françaises employant 40 000 personnes sont directement affectées. La crise impacte aussi les grandes banques françaises actives en Algérie, comme BNP Paribas ou Société Générale, provoquant un recul stratégique majeur. La Banque de France a évalué à 25% la baisse des transactions commerciales entre les deux pays.

L’Algérie subit également ce gel des relations économiques, avec une suspension de plusieurs projets industriels et d’infrastructure impliquant la France, freinant sa diversification économique en pleine croissance. Le climat d’incertitude freine les investissements directs étrangers et fragilise la coopération sécuritaire et commerciale.

Le coût humain de la crise

Le volet humain est également lourd. Du côté algérien, la saturation et le durcissement des conditions d’octroi de visas pour la France freinent la mobilité estudiantine, professionnelle et familiale, affectant plusieurs milliers de citoyens. Pour de nombreux Franco-Algériens et familles transnationales, cela signifie une coupure dans les échanges culturels et sociaux, source de tensions identitaires.

De plus, dans un contexte déjà fragilisé par la pandémie et par les inégalités sociales, la crise diplomatique exacerbe les ressentiments des deux côtés, notamment parmi les diasporas. Les mesures de rétorsion et la politique de fermeté ont aussi parfois engendré un durcissement du discours politique et médiatique, alimentant un climat d’hostilité.

Contexte géopolitique et nécessité du dialogue

Le contexte géopolitique actuel est particulièrement complexe et tendu, marquant un moment charnière des relations entre l’Algérie et la France. La crise diplomatique qui sévit depuis l’été 2024 est principalement déclenchée par le revirement français sur le Sahara occidental, avec le soutien officiel au plan d’autonomie marocain. Parallèlement, la situation sécuritaire dégradée au Mali complique davantage la coopération régionale face à l’expansion des groupes jihadistes.

La résolution onusienne et les évolutions au Sahel marquent également un recul de l’influence française traditionnelle au Maghreb, au profit des États-Unis, de la Russie et de la Chine, qui renforcent leur présence diplomatique, économique et militaire dans la région. Ce paysage géopolitique renforce l’exigence pragmatique d’un apaisement entre Alger et Paris, afin que les deux pays, acteurs majeurs du Maghreb et du Sahel, puissent continuer à coopérer sur des enjeux communs : sécurité, gestion des flux migratoires, développement économique et stabilisation régionale.

Le directeur de la DGSE française a récemment annoncé percevoir des signaux provenant des autorités algériennes indiquant une volonté de reprise du dialogue. Ce retour à la concertation semble nécessaire face à un isolement grandissant de la France au Maghreb et aux risques liés à la montée des tensions.

Pour Nicolas Lerner, ce n’est dans « l’intérêt d’aucun des deux pays de rester dans cette situation de blocage ». Il qualifie la crise « d’extrêmement grave, peut-être la crise la plus grave depuis l’indépendance de l’Algérie » en 1962. Selon lui, « nous avons atteint un point extrêmement bas de coopération opérationnelle en matière antiterroriste »

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