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Maghreb

Algérie – Gaz de schiste : 40 policiers blessés et des bâtiments officiels incendiés à In Salah (Intérieur)

Par Yacine Temlali
2 mars 2015
La population d’In Salah veut un "moratoire" sur l’exploitation du gaz de schiste, les autorités refusent d’en entendre parler (photo : page FB de Djamel Addoun)

40 policiers blessés, le siège de la daïra d’In Salah et la résidence du chef de daïra incendiés. Tel est le bilan des incidents de dimanche « touchant à l’ordre public » dans lesquels sont impliqués des jeunes contestataires de l’exploitation du gaz de schiste, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales*.

 

 

« La ville d’In Salah a connu ce premier mars 2015 des incidents touchant à l’ordre public, initiés par un groupe de jeunes contestant les opérations d’exploration du gaz de schiste dans cette région », a indiqué un communiqué du ministère de l’intérieur.

« Malheureusement, ces incidents ont occasionné des blessures à 40 policiers, dont deux grièvement atteints, ainsi que l’incendie de la résidence du chef de daïra, du siège de la daïra, d’une partie du dortoir réservé aux agents de police, ainsi que d’un camion appartenant aux services de la Sûreté nationale », ajoute la même source.

Le ministère de l’intérieur a fait, dans son communiqué, l’éloge du « professionnalisme » des forces de l’ordre : « En dépit de ces agissements, la réaction correcte et le professionnalisme des forces de l’ordre ont permis de maîtriser la situation et d’instaurer le calme dans la ville. »

Des contestataires ont affirmé que l’incendie a été provoqué par un tir de gaz lacrymogènes. La contestation contre l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste à In Salah dure depuis de deux mois, une demande de moratoire adressée par les contestataires au chef de l’Etat est restée sans réponse.

La tension est montée durant les deux derniers jours à In Salah après l’intervention des forces de l’ordre pour dégager la place Somoud où sont organisés des sit-in quotidiens depuis fin 2014. Des incidents ont également eu lieu au niveau de l’université de Tamanrasset où des mouvements de solidarité avec les contestations d’In Salah se sont exprimés. A Ouargla, des étudiants et les activistes anti-gaz de schiste veulent manifester aujourd’hui.

 

Exaspération et dérapages

 

Les dérapages violents observés ces deux derniers jours laissent transparaître une certaine exaspération alors que les autorités ne semblent pas vouloir entendre parler d’un moratoire ou d’un arrêt de l’exploration du gaz de schiste.

La loi sur les hydrocarbures adoptée par le Parlement algérien en janvier 2013 a ouvert la voie à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et a prévu des avantages fiscaux pour les entreprises étrangères qui y investissent.

L’option est défendue par les autorités comme une réponse à la baisse des réserves du pays alors que la consommation intérieure explose.

Les autorités ont cependant été prises de court par un mouvement de contestation sans précédent après l’annonce par Sonatrach, fin décembre 2014, du premier forage pilote dans la région d’In Salah. Elles ont ignoré l’appel au moratoire sur le gaz de schiste et à la mise en place d’une commission indépendante et l’organisation d’un débat national sur la question.

Le 27 janvier 2015, un conseil des ministres restreint a annoncé la « fin prochaine » des forages-test tandis que le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’œuvrer à « lever les incompréhensions et les inquiétudes suscitées par les essais préliminaires dans le domaine du gaz de schiste ». Sur le fond, il a souligné que l’exploration et l’exploitation des ressources hydrocarbures non conventionnelles pourraient être une « nécessité pour la sécurité énergétique du pays à moyen et long terme ».

 

Un thème controversé

 

L’opposition rassemblée au sein de la CNLTD – et dont certains partis, à l’image du MSP, ont voté en faveur de la loi sur les hydrocarbures ouvrant la voie à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels – a organisé des rassemblements contre le gaz de schiste et pour soutenir la population du Sud.

Ces rassemblements ont été entravés par les autorités, notamment à Alger où les responsables locaux ont occupé le terrain en organisant des festivités bruyantes à l’occasion de l’anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 1971.

L’exploitation du gaz de schiste suscite de fortes controverses. Même au sein des opposants, « unis contre le pouvoir », il n’y a pas unanimité sur la question.

Sid Ahmed Ghozali, ancien Chef de gouvernement, a estimé que l’Algérie avait besoin d’exploiter toutes ses ressources naturelles, y compris le gaz de schiste. « Qu’on soit pour ou contre, il faut expérimenter pour connaître le potentiel », a-t-il déclaré affirmant que les habitants d’In Salah sont « manipulés » et « mal informés ». Il a vivement critiqué la manière « manœuvrière » et « intempestive » avec laquelle le pouvoir a ouvert ce dossier.

Selon Sid Ahmed Ghozali, l’exploitation du gaz de schiste, qui ne peut se faire avant une quinzaine d’années, n’est qu’un élément de la politique énergétique du pays et « l’isoler de son contexte est une manœuvre de diversion et une tromperie ». Pour lui, les autorités ont choisi de créer une situation d’alarmisme au sein de l’opinion pour, peut-être,  » masquer des énormités commises sur les gisements conventionnels ».

 

(*) Cet article a été publié initialement par le Huffington Post Algérie.

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