L’Algérie affirme détenir plus de 700 000 milliards de pieds cubes de gaz de schiste “sans risque”, l’un des plus grands potentiels mondiaux dans ce segment. Dit autrement, pour rester dans le jeu, l’Algérie parie désormais sur le gaz non conventionnel, en sachant que l’opération sera coûteuse et semée d’obstacles.
Lors de l’African Energy Week, il y a une semaine, Samir Bekhti n’a pas cherché à minimiser l’enjeu. Le président de l’Agence nationale des hydrocarbures (ALNAFT) a déclaré que l’Algérie détient “plus de 700 000 milliards de pieds cubes de gaz de schiste sans risque. C’est l’un des potentiels les plus importants du monde dans ce segment”. Une façon de rappeler que le sous-sol algérien reste loin d’avoir livré tout son gaz, même si les grands gisements conventionnels arrivent à maturité.
Bekhti a expliqué que l’effort porte désormais sur les zones frontières et sur les ressources non conventionnelles, avec l’objectif d’augmenter les réserves prouvées et soutenir la production sur le long terme. Il a aussi évoqué la volonté d’accélérer l’exploration offshore. En filigrane, il s’agit pour Alger de sécuriser sa place dans le paysage gazier international alors que la compétition s’intensifie et que l’Europe cherche à diversifier ses fournisseurs.
Du côté de Sonatrach, le message va dans le même sens. Ferhat Ounoughi, vice-président exécutif en charge du développement commercial et du marketing, parle du gaz de schiste comme de “la meilleure ressource” du pays, et rappelle que l’Algérie figure parmi les tout premiers détenteurs de réserves techniquement récupérables. Mais il insiste sur un point souvent passé sous silence : la question des coûts. Une grande partie des équipements nécessaires reste importée, ce qui pèse directement sur la rentabilité. D’où la pression mise sur le développement d’une industrie locale capable de produire au moins une partie de ces technologies.
Un potentiel considérable, mais des défis encore flous
Sur le plan des investissements, le secteur reste actif. Depuis le début de 2025, l’Algérie a signé huit contrats d’hydrocarbures, signe que le cadre légal et fiscal continue d’attirer des partenaires. Samir Bekhti a annoncé le lancement d’une nouvelle campagne d’adjudication de blocs d’exploration début 2026, probablement au cours du premier semestre. L’idée est d’élargir encore le portefeuille de projets, qu’ils soient conventionnels, non conventionnels ou offshore.
Autour de Sonatrach, plusieurs grands noms des services pétroliers et des solutions industrielles se positionnent. SLB met en avant le “potentiel offshore significatif” de l’Algérie, tandis qu’Emerson dit travailler avec la compagnie nationale pour optimiser la production et réduire les coûts d’exploitation. Pour des groupes comme AMMAT Global Resources, le pays est vu comme un “partenaire stratégique”, notamment pour l’Italie. Ces prises de position traduisent un intérêt réel, même si tous les projets n’aboutiront pas au même rythme.
Reste un angle que les responsables évoquent peu publiquement : l’impact environnemental. L’exploitation du gaz de schiste est plus lourde que celle des gisements classiques, nécessite des forages spécifiques et consomme beaucoup d’eau, dans un pays déjà exposé au stress hydrique. Les autorités affirment pouvoir développer ces ressources “sans risque”, mais ne détaillent pas encore les garanties techniques, les mécanismes de contrôle ni le cadre de consultation des populations concernées. À ce stade, ces éléments relèvent plus de l’intention que d’un dispositif clairement défini.
Pour Alger, la logique est néanmoins assumée : dans le contexte géopolitique actuel, se priver d’un tel volume de ressources serait difficile à justifier, surtout alors que la demande européenne en gaz reste soutenue à moyen terme. Le pari consiste donc à transformer ce potentiel de gaz de schiste en levier de sécurité énergétique et de recettes d’exportation, tout en évitant que le dossier ne se transforme en source de tensions sociales ou environnementales.
Avec ses plus de 700 000 milliards de pieds cubes de gaz de schiste présentés comme “sans risque” et un des plus grands gisements au monde, l’Algérie s’offre une marge de manœuvre rare. La question, maintenant, n’est plus de savoir si le pays dispose de ressources, mais comment il compte les exploiter, à quel coût et avec quel niveau de transparence. Sur ces points, beaucoup reste encore à préciser.





