Le commerce informel transfrontalier, communément appelé « commerce du cabas », est au cœur des préoccupations en Algérie. Face à une pratique longtemps décriée et perçue comme un acte de fraude, le Président de la République a récemment marqué une inflexion majeure, refusant sa criminalisation et reconnaissant une réalité socio-économique pour des centaines de milliers de citoyens. Cette position, bien que tardive, relance le débat sur la gestion de l’informel et les réformes économiques structurelles tant attendues.
Le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE), un Think Tank algérien, propose des pistes concrètes pour encadrer et gérer ce phénomène, le considérant moins comme un problème central que comme un révélateur des fragilités économiques algériennes.
Le Débat autour du Commerce du Cabas : Entre Survie et Défis Structurels
Historiquement, le commerce du cabas a été le produit de politiques publiques instables et contradictoires, transformant une pratique de survie en une modalité de subsistance institutionnalisée. Loin d’être un simple acte de fraude, il remplit des fonctions sociales et économiques vitales : soupape pour les ménages modestes, filet de sécurité pour les sans-emploi, et même un baromètre des carences du marché local. Il met en lumière les produits introuvables ou inaccessibles à des prix raisonnables, et révèle les tendances de consommation, offrant un « laboratoire à ciel ouvert » pour les producteurs nationaux.
Souvent critiqué par les acteurs économiques formels pour un « manque à gagner fiscal » ou une « concurrence déloyale », le document souligne que ce commerce informel, estimé à 2 à 3 milliards de dollars annuels et impliquant des centaines de milliers de personnes, porte principalement sur des produits de première nécessité. Il ne menace pas la production nationale et les marges générées relèvent de la survie.
Les Propositions de CARE pour Encadrer le Commerce du Cabas
Le CARE estime que la bonne question n’est pas de « contrôler » le commerce du cabas, mais de « comprendre pourquoi il existe ». Pour ce Think Tank, s’attaquer aux causes est plus simple et moins coûteux que de traiter les symptômes. Le document met en lumière plusieurs incohérences structurelles qui alimentent ce phénomène, notamment l’instabilité de la politique commerciale extérieure, le manque de visibilité pour les opérateurs, et la désinvolture face aux engagements commerciaux internationaux.
Pour contenir et gérer le commerce du cabas sans le « casser », le CARE propose des mesures de bon sens, peu coûteuses et non stigmatisantes :
- Contrôles aléatoires a posteriori : Pour assurer la traçabilité et la qualité des produits.
- Formation ciblée des micro-opérateurs : Pour améliorer les pratiques et la conformité.
- Normes d’étiquetage simplifiées : Spécifiquement pour les produits sensibles, afin de garantir la sécurité sanitaire.
- Collaboration avec les associations de consommateurs : Pour sensibiliser et renforcer la vigilance.
Ces propositions visent à atténuer les risques sanitaires et sécuritaires liés à l’absence de traçabilité (produits mal conservés, médicaments contrefaits, cosmétiques non conformes, pièces mécaniques dangereuses) sans entraver l’activité.
Au-delà du Cabas : Les Réformes Structurelles Nécessaires
Le document insiste sur le fait que la décision présidentielle est une inflexion, mais qu’elle ne suffira pas sans des réformes structurelles profondes. Le commerce du cabas, en révélant les fragilités du système économique algérien, souligne la nécessité de :
- Une gouvernance économique moderne et ouverte : Avec une stratégie commerciale lisible et une cohérence institutionnelle.
- Une politique de taux de change stable : Un sujet sur lequel le CARE a déjà plaidé en 2020.
- L’adhésion à l’OMC : Pour s’intégrer pleinement dans l’ordre commercial mondial.
- La réhabilitation de la fonction publique : En tant qu’espace de compétence et de confiance.
Le commerce du cabas est un miroir des désordres macroéconomiques algériens. Pour le CARE, la « régularisation » de cette pratique n’est pas l’enjeu majeur, mais l’occasion de remettre à plat les priorités, de revisiter les outils économiques, et d’engager de véritables transformations structurelles. Sans cela, cette initiative risque de se perdre « dans les plis d’un appareil administratif qui s’auto-annule dès qu’il tente de se réformer ».