La publication aujourd’hui des chiffres de l’Office national des statistiques, rapportés par Maghreb Émergent, confirme une nette dégradation de la balance commerciale algérienne au premier semestre 2025. Le pays enregistre un déficit de 711,5 milliards de dinars ( 5,478 milliards de dollars) , après un excédent d’environ 320 milliards de dinars un an plus tôt. Les importations bondissent de près de 25 %, tandis que les exportations reculent de plus de 8 %. Ce retournement brutal renforce l’hypothèse d’un affaissement continu des équilibres extérieurs et conforte, dans une certaine mesure, le scénario esquissé par le Fonds monétaire international dans son rapport d’août 2025 : si les déficits courants persistent, les réserves de change pourraient tomber à moins de 20 milliards de dollars à l’horizon 2030, contre près de 68 milliards fin 2024.
Les projections du FMI : une érosion continue jusqu’en 2030
Le rapport Article IV 2025 du FMI dresse un tableau particulièrement dégradé des perspectives extérieures de l’Algérie. L’institution prévoit un déficit courant durable, oscillant entre –3 % et –4 % du PIB sur la période 2025-2030. Dans ce scénario « inchangé », les réserves officielles de change seraient érodées année après année : de 67,8 milliards de dollars en 2024, elles reculeraient à environ 18,6 milliards en 2030 selon la définition incluant les droits de tirage spéciaux, et à 14,4 milliards si l’on exclut ces avoirs en DTS. Leur capacité de couverture tomberait à un peu plus de trois mois d’importations en fin de période, contre quatorze mois en 2024.
Ce contraste est d’autant plus marquant que la Banque d’Algérie détenait encore près de 200 milliards de dollars de réserves officielles au début de la décennie 2010, avant l’effondrement des cours pétroliers en 2014. Dix ans plus tard, l’assèchement des excédents extérieurs et l’incapacité à stabiliser les flux commerciaux rappellent la vulnérabilité structurelle du modèle algérien, dépendant de recettes hydrocarbonées volatiles, d’un niveau d’importations difficile à maîtriser, et d’une faible élasticité des exportations hors hydrocarbures.
Une balance des paiements fragilisée et un ajustement différé
La situation actuelle conforte ce diagnostic. Le déficit commercial du premier semestre 2025 indique que la balance des paiements reste sous pression. Le gouvernement poursuit une stratégie de contrôle administratif des importations : restrictions sectorielles, durcissement des licences, segmentation des circuits de distribution. Cette politique vise à limiter la fuite de devises mais ne corrige pas les déséquilibres de fond. Parallèlement, les autorités refusent d’ajuster le taux de change du dinar, un outil pourtant susceptible de réduire la compétitivité des produits importés. Le maintien d’un dinar relativement ferme prolonge le recours aux restrictions non tarifaires et pèse sur les réserves.
Le budget pour 2026, voté le 18 juin prochain à l’Assemblée populaire nationale, ne modifie pas cette trajectoire. Il acte un creusement du déficit budgétaire et un recours accru à l’endettement public, ce qui laisse présager une demande additionnelle de financement intérieur ou extérieur sans amélioration notable du solde courant. La combinaison d’un déficit commercial élargi, d’une politique de change rigide et d’un budget expansionniste accroît la pression sur les réserves de change.
En filigrane, la projection du FMI repose sur une hypothèse forte : l’absence de réformes structurelles permettant de corriger les déséquilibres macroéconomiques qui alimentent le déficit de la balance des paiements. Sans ajustement significatif de la politique budgétaire, du régime de change ou du modèle d’importations, l’Algérie risque de s’enfoncer dans la trajectoire décrite par l’institution internationale, avec des réserves de change réduites à moins de 20 milliards de dollars à l’horizon 2030.





