La désignation du général Mohamed Amaga Dolo comme nouvel ambassadeur du Mali en Algérie, en attente d’agrément à Alger, pourrait marquer un tournant dans les relations entre les deux pays. Au-delà d’une simple nomination diplomatique, cette décision de Bamako, intervenant dans un contexte de tensions aigües, invite à une lecture des intentions maliennes vis à vis de son voisin du nord.
L’audience accordée par le général Assimi Goïta ce 20 février 2025 s’inscrit dans une séquence diplomatique particulièrement délicate. Les relations bilatérales ont connu une détérioration marquée depuis fin 2023. Cette période a été marquée par la réception à Alger de l’imam malien Mahmoud Dicko par le président Tebboune en décembre 2023, perçue comme une ingérence par Bamako.
Dans la foulée de cet incident, la situation s’est aggravée avec l’annulation unilatérale par le Mali de l’accord de paix d’Alger de 2015 en janvier 2024. Les tensions ont continué de s’accroître lorsque l’Algérie a émis des critiques aux Nations Unies sur les opérations militaires maliennes en août 2024, critiques qualifiées de “propagande terroriste” par Bamako. Le début de l’année 2025 n’a fait qu’accentuer ces dissensions avec un échange de déclarations acerbes entre les ministres des Affaires étrangères concernant la stratégie anti-terroriste malienne.
C’est dans ce climat déjà tendu que la nomination intervient, alors même que le contexte sécuritaire s’avère particulièrement volatile. En effet, la création du Front de libération de l’Azawad en novembre 2024 a ajouté une nouvelle dimension à la complexité de la situation. Les affrontements intenses qui ont eu lieu autour de Tinzaouatène en juillet 2024 ont démontré la fragilité de la région, fragilité encore accentuée par un récent massacre impliquant des ressortissants algériens sur la route reliant Bordj Badji Mokhtar à Gao.
Une main tendue aux implications stratégiques
Face à cette accumulation de tensions, le discours du général Dolo, dont l’agrément n’a pas encore été accordé par Alger, prend une dimension particulière. En évoquant à la fois les “liens historiques” entre les deux nations et “la préservation des intérêts du Mali”, cette initiative unilatérale pourrait être interprétée comme une main tendue, assortie d’une invitation à Alger à reconsidérer certaines de ses positions régionales.
Cette initiative diplomatique prend d’autant plus de sens que le Sahel connaît actuellement une reconfiguration majeure de ses alliances. Les défis sécuritaires partagés et les enjeux économiques communs appellent naturellement à une redéfinition des relations entre les deux États, dans un contexte où le Mali affirme de plus en plus son autonomie stratégique.
Dans cette perspective, la référence appuyée aux intérêts maliens, plus qu’une mise en garde, pourrait traduire la recherche d’un nouveau paradigme dans les relations bilatérales. Bamako semble ainsi proposer un cadre de dialogue renouvelé, où la reconnaissance mutuelle des intérêts de chaque partie constituerait le socle d’une coopération actualisée.
Yasser K.