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Algérie – Planche à billets : les signes d’emballement s’accumulent

Par Samy Injar
13 novembre 2025
En 2026, la planche à billets n’est peut-être plus proclamée, mais tout indique qu’elle s’apprête à tourner à plein régime (Image IA)

« Ce déficit ne présente aucun risque pour la stabilité des prix ni pour l’équilibre économique », a affirmé le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, en clôture du débat à l’Assemblée populaire nationale sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Il a précisé que « le budget, estimé à près de 17 000 milliards de dinars, et un déficit prévu à 5 000 milliards, seront intégralement financés par la dette intérieure. » Une formule apparemment orthodoxe, mais qui traduit en réalité une orientation budgétaire de plus en plus dépendante de la création monétaire interne.
Un cadre monétaire assoupli au service du Trésor
Les amendements introduits par la LFC 2026 confirment un glissement du cadre monétaire algérien vers plus de flexibilité en faveur du Trésor. L’encadrement des avances et découverts de la Banque d’Algérie est allégé : les plafonds sont relevés, les durées allongées, et la Banque centrale peut désormais intervenir « à titre discrétionnaire ». Cette évolution modifie profondément la frontière entre politique monétaire et politique budgétaire.
Ce qui était autrefois une mesure exceptionnelle devient un instrument permanent. L’État peut dorénavant s’appuyer sur la Banque d’Algérie pour lisser ses besoins de trésorerie sans passer par un financement de marché contraignant. Derrière ce vocabulaire technique, c’est une forme de planche à billets légalisée, maquillée sous les apparences de la « souplesse financière ».
Un faisceau d’indices qui ne trompe pas
Ce changement de cadre juridique n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste. Depuis plusieurs années, les statistiques monétaires et budgétaires montrent des signes clairs d’une monétisation progressive du déficit. Les créances nettes de la Banque d’Algérie sur l’État gonflent plus vite que la dette publique totale. Le bilan de la Banque centrale s’élargit, non pas grâce à l’accumulation de réserves de change, mais à la détention croissante de titres publics.
Dans le même temps, la base monétaire et les agrégats M1 et M2 (M1 comprend la monnaie la plus liquide comme les billets, pièces et dépôts à vue, tandis que M2 inclut M1 plus les dépôts à terme et livrets d’épargne) augmentent à un rythme supérieur à celui du PIB nominal, tandis que le crédit au secteur privé stagne. Les adjudications du Trésor affichent des taux d’intérêt étonnamment stables malgré l’ampleur du déficit, preuve que le marché intérieur est artificiellement soutenu. Enfin, la dette publique intérieure explose, absorbée par des banques publiques largement refinancées par la Banque d’Algérie. Autant d’indices qui, mis bout à bout, laissent peu de doute : le financement monétaire du déficit public n’est plus une hypothèse mais une réalité silencieuse.
Une inflation calmée, mais sous contrôle administratif
Ce qui étonne, c’est que cette expansion monétaire ne s’est pas encore traduite par une inflation incontrôlée. Après la flambée des prix de 2022-2023, provoquée par la crise alimentaire mondiale, la hausse des prix semble contenue en 2025 autour de 5 %. Une apparente accalmie que le gouvernement met en avant comme une preuve de maîtrise.
Mais, cette stabilité repose moins sur la rigueur budgétaire que sur des verrous administratifs : maintien des subventions, plafonnement de nombreux prix, stabilité du dinar soutenue par les réserves, et demande intérieure bridée par un pouvoir d’achat en recul. L’inflation n’a pas disparu ; elle a simplement été mise en attente. Derrière cette façade de stabilité, la liquidité excédentaire s’accumule dans le système bancaire, formant une pression latente sur les prix.
2026, l’année du risque d’emballement
Le PLF 2026 affiche un déficit d’une ampleur inédite — plus de 5 000 milliards de dinars, soit près de 12 % du PIB — que le ministre des Finances assure pouvoir couvrir par l’endettement intérieur. Mais dans un marché domestique étroit, où les banques publiques sont déjà saturées de titres souverains, la seule issue réaliste reste la Banque d’Algérie.
Les nouvelles dispositions légales lui ouvrent les mains : avances, découverts, facilités d’urgence, tout est prêt pour une intervention massive au profit du Trésor. Si cette mécanique s’enclenche durablement, la distinction entre dette et monnaie deviendra purement théorique. L’Algérie pourrait alors revivre, sous des formes plus subtiles, l’expérience du financement non conventionnel — avec, cette fois, une dépendance monétaire structurelle.
En 2026, la planche à billets n’est peut-être plus proclamée, mais tout indique qu’elle s’apprête à tourner à plein régime.

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