L’Algérie reste prisonnière de l’économie du cash, et au cœur de ce système se trouve Algérie Poste. L’infrastructure existe, mais les outils numériques et les procédures de conformité sont encore loin des standards bancaires exigés par le GAFI.
Algérie Poste gère l’essentiel des flux liquides du pays. Mais l’opérateur postal n’a ni les outils ni les procédures pour assurer une surveillance efficace. La tuyauterie mise en place est fragile et les failles s’accumulent. Le Rapport d’évaluation sectorielle des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, publié par la Banque d’Algérie en juin 2025, confirme ce diagnostic , et chiffre ce que tout le monde sait déjà. L’économie informelle représente entre “30 et 35% du PIB”, constituant un vecteur majeur de risques accrus de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
À première vue, il n’y a pas péril en la demeure. Algérie Poste assume depuis toujours une mission de service public : épargne populaire, prestations sociales, transferts. Mais ce qui était tolérable dans les années 1990 ne l’est plus aujourd’hui.
Classé “systémique”
Le rapport de la Banque d’Algérie classe Algérie Poste parmi les acteurs “systémiques”, ce qui signifie que sa défaillance aurait un effet en chaîne sur tout le système financier. L’opérateur postal n’est plus un simple auxiliaire, il est devenu un maillon dont la fragilité menace l’ensemble.
Le régulateur exige un renforcement des procédures d’identification, l’automatisation du contrôle, la formation du personnel et une supervision différenciée. Cependant, Algérie Poste reste une entreprise publique aux missions multiples et aux moyens limités.
Le rapport souligne des vulnérabilités importantes dans les dispositifs de maîtrise des risques de blanchiment d’argent, avec un score global d’atténuation évalué à “1,13”, soit un dispositif d’atténuation jugé inefficace. En conséquence, le risque résiduel de blanchiment d’argent y est jugé plus élevé, avec un score de “7,72”.
Cette situation rend difficile la conciliation entre service public et exigences prudentielles, alors que l’Algérie s’est engagée à s’aligner sur les standards du GAFI avant l’évaluation internationale prévue en 2026. Ce calendrier conditionne la crédibilité financière du pays. Sans progrès visibles, l’Algérie risquerait d’être classée parmi les juridictions à risque, ce qui entraînerait un isolement financier aux conséquences graves.
Un risque pour la stabilité financière
La Banque d’Algérie souligne aussi que le secteur bancaire, malgré un risque global de blanchiment d’argent jugé moyen-lev, présente des vulnérabilités différentes selon la taille des banques. Les grandes banques ont un score de risque résiduel moyen-lev de “6,90”, tandis que les petites et moyennes banques ont un score plus bas, évalué à “1,37”.
Les banques de grande taille sont notamment exposées en raison de leur volume d’opérations, de la diversité de leur clientèle, et de l’étendue géographique de leur réseau, alors que leur dispositif d’atténuation obtient un score faible de “1,18”, traduisant des faiblesses dans la gouvernance et les systèmes d’alerte.
Algérie Poste, avec son immense réseau et sa gestion importante de flux liquides, constitue donc un point névralgique dans la lutte anti-blanchiment en Algérie, mais les moyens pour garantir une surveillance efficace restent insuffisants.