Les choix politiques du Parti Populaire espagnol (PP), qui pourrait revenir au pouvoir en cas de chute du gouvernement Sánchez, inquiètent Rabat. Depuis plusieurs semaines, des médias proches du pouvoir marocain multiplient les mises en garde et les critiques à l’égard de la formation conservatrice.
Malgré une longue campagne médiatique marocaine destinée à le dissuader, le Parti Populaire (PP), principal parti d’opposition, a fait adopter mardi 18 novembre 2025 une motion non législative au Congrès des députés. Celle-ci réaffirme la nécessité pour Madrid de renouer avec sa position historique concernant le Sahara occidental et de rétablir les relations diplomatiques avec l’Algérie.
Adoptée par la commission des affaires étrangères, la motion exige que le gouvernement rouvre le dialogue politique avec Alger et relance le Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération, suspendu unilatéralement par l’Algérie en 2022. Elle appelle également l’Espagne à retrouver sa “position historique de neutralité active” sur le Sahara occidental et à soutenir de manière plus affirmée la Mission des Nations unies (MINURSO), chargée d’organiser un référendum d’autodétermination.
Le PP “joue avec le feu”
La vie politique espagnole, très polarisée, est marquée par une grande instabilité. Le retrait du soutien des députés de Junts au gouvernement Sánchez -sans aller jusqu’à la motion de censure – fait planer la menace d’un retour anticipé aux urnes. Un scénario qui pourrait permettre au PP de remporter les élections, ce qui expliquerait en partie les offensives médiatiques marocaines.
La motion adoptée va clairement à l’encontre du virage opéré en 2022 par Pedro Sánchez sur la question du Sahara occidental. Fait notable, le texte a été soutenu par des forces politiques pourtant très éloignées : Vox (extrême droite), EH Bildu (gauche nationaliste basque) et ERC (indépendantistes catalans de gauche).
Outre ses initiatives parlementaires, le PP s’est attiré les critiques de Rabat en bloquant le transfert de la gestion de l’espace aérien du Sahara au Maroc. S’ajoute à cela l’invitation d’un représentant du Front Polisario à un congrès du PP en août dernier, un geste que la presse marocaine a décrit comme une manière de “jouer avec le feu”. Le ton des médias marocains est d’autant plus significatif qu’il évoque implicitement la question migratoire, un instrument de pression que Rabat a déjà utilisé par le passé pour influencer Madrid.
Migration : un levier toujours présent
Le PP lui-même n’a pas éludé la question. Le député José Manuel Velasco affirme par exemple que la rupture avec Alger s’est traduite par “une augmentation de 200 % des arrivées irrégulières de migrants algériens” dans certaines régions.
Mais c’est surtout l’épisode de Ceuta, en 2021 -lorsque des milliers de migrants avaient franchi la frontière après un relâchement délibéré de la surveillance marocaine – qui continue de servir de référence. Le revirement de Sánchez sur le Sahara en 2022 a été largement interprété comme une réponse directe à cette crise migratoire.
Les récents signaux envoyés par la presse marocaine réactivent implicitement cette menace, sans la formuler ouvertement.En dépit de ces avertissements et des risques politiques identifiés, le PP maintient sa position, qu’il qualifie de “publique et notoire”. Le porte-parole national du parti, Borja Sémper, a d’ailleurs répondu aux critiques marocaines en soulignant que la politique étrangère espagnole “n’est soumise à personne”.






