Dans une décision inattendue, le président Abdelmadjid Tebboune a surpris en maintenant Saïd Sayoud au gouvernement. Beaucoup l’annonçaient sur le départ, il hérite au contraire de deux ministères stratégiques : l’Intérieur et les Collectivités locales, en plus des Transports.
Pourtant, son parcours est jalonné de polémiques. L’affaire « Hez kachak ou emchi » – une phrase méprisante lancée à un vendeur lorsqu’il était wali d’Oran – avait déjà terni son image. La tragédie de Oued El Harrach, examinée en Conseil des ministres, a ravivé les critiques. Dans les deux cas, les appels à son limogeage se sont multipliés.
De la controverse à la promotion
Malgré ces épisodes, Sayoud a toujours bénéficié de la confiance présidentielle. Tebboune l’a confirmé à Oran, puis nommé ministre des Transports. Aujourd’hui, il se retrouve propulsé à la tête de deux ministères, comme si chaque controverse devenait un tremplin plutôt qu’un frein.
L’affaire de Oued El Harrach illustre ce paradoxe. La chute d’un bus dans l’oued avait déclenché une vague d’indignation et de demandes de démission. La sanction politique n’est jamais venue. Au contraire, Saïoud est promu ministre de l’Intérieur, tout en gardant les Transports. Un message clair : la présidence assume ses choix et préfère consolider ses hommes, même les plus contestés.
Aux Transports, des dossiers lourds
À la tête de ce portefeuille, Sayoud a géré plusieurs chantiers jugés décisifs. Il a signé un accord avec CMA CGM pour le développement du port d’Oran. Il a aussi commandé 16 avions ATR 72-600 et un simulateur de vol, livrables entre 2026 et 2028. Cette commande, l’une des plus importantes jamais attribuées par ATR à un opérateur africain, doit moderniser la flotte d’Air Algérie. Par ailleurs, il a lancé une nouvelle compagnie aérienne locale destinée à renforcer les dessertes domestiques. Ces projets lui servent de carte de visite, consolidant son image d’homme utile à l’exécutif.
Un pari risqué
Le cumul de l’Intérieur et des Transports n’est pas seulement une promotion. C’est un pari politique. Saïoud doit désormais piloter la sécurité et l’administration locale, tout en assurant la modernisation des infrastructures de transport. Le risque d’éparpillement est évident, mais la présidence a choisi de miser sur sa capacité à encaisser les tempêtes.
Issu du ministère de l’Habitat, il a dirigé l’OPGI de Blida avant d’enchaîner plusieurs postes de wali. En 2020, il est envoyé à Saïda. L’année suivante, il prend les rênes d’Oran pour préparer les Jeux Méditerranéens et relancer une wilaya stratégique. Lors de son installation, il avait déclaré qu’il « ne se soumettrait qu’à l’autorité de l’État et de la loi », en critique claire aux pressions exercées via les réseaux sociaux.
Le 18 novembre 2024, Tebboune le nomme ministre des Transports. Un an plus tard, il choisit de lui confier deux ministères à la fois, malgré la contestation persistante. Ce choix s’inscrit dans une logique de fidélité présidentielle plus que dans une volonté de sanctionner. Déjà, des spéculations l’annoncent promis à d’autres portefeuilles souverains.