Le Palais des expositions SAFEX, à Alger, a vibré du 2 au 4 septembre au rythme d’une effervescence qui dépasse largement le simple agenda économique. Avec la tenue simultanée de SECURA, salon international de la sécurité, du feu et de l’urgence, et de SINA3A Expo, dédié à l’industrie algérienne, la capitale a accueilli plus de 200 exposants et des milliers de visiteurs.
Une affluence qui, au-delà du chiffre, confirme une tendance forte : l’Algérie vit une transition assumée, de l’importation vers l’industrialisation, portée aussi bien par des entreprises établies que par une nouvelle génération en quête d’opportunités.
Planet Filtre : d’importateur à industriel, un virage stratégique
Parmi les entreprises les plus observées, la SARL Planet Filtre illustre parfaitement ce basculement. Créée en 2017, elle fait partie de ces acteurs qui ont rompu avec la dépendance aux importations pour s’engager dans la production locale.
Comme l’explique Adjed Sarah, responsable de la communication : « Notre gérant a suivi plusieurs formations afin d’acquérir le savoir-faire nécessaire pour se lancer dans l’industrie, puisque nous étions auparavant importateurs de filtres à air, de filtres à huile et même de filtres à gaz. Nous avons lancé en 2017 une usine de fabrication à Ouargla, et une autre est en phase finale à Bouira. Depuis 2022, nos activités se sont fortement développées, avec des clients importants comme Cosider Travaux publics, les ports d’Annaba et de Skikda, une unité de Naftal, et d’autres.
Notre principal souci ces derniers mois reste la matière première. La politique d’importation au niveau de l’ALGEX est devenue un véritable casse-tête pour nous, et il nous arrive d’acheter des matières premières de seconde main en Algérie. L’essentiel, pour nous, est de satisfaire le client. »
Leur trajectoire résume l’évolution actuelle : une réelle volonté d’intégration locale, parfois freinée par les difficultés d’approvisionnement, mais soutenue par une demande nationale croissante.
FAJO : trente ans d’expérience enfin valorisés par le marché

Autre exemple révélateur : FAJO, entreprise spécialisée dans les joints mécaniques et industriels depuis 1997 à Batna. Après des années consacrées à l’importation, elle investit désormais massivement dans la fabrication locale.
Son responsable commercial, M. Kadjoudj, l’explique ainsi : « Après des années dans l’importation, nous avons acquis une connaissance précise des produits demandés sur le marché algérien, notamment pour les véhicules français. Après plusieurs années de préparation, nous avons obtenu des machines en provenance de Chine et de Turquie pour fabriquer ces joints localement.
Aujourd’hui, avec trois bureaux de vente à Alger, Aïn M’lila et Batna, FAJO commercialise une cinquantaine de produits différents, dont la majorité sont fabriqués en Algérie. Nous comptons rester dans cette dynamique, car ce domaine exige de nombreux efforts. Avec les contraintes sur l’importation, le marché local est devenu propice à ce type d’industrie, particulièrement dans la filière automobile. Le seul souci demeure la matière première. »
Le message est clair : les restrictions à l’importation n’étouffent pas l’activité ; elles orientent désormais la production vers le local.
ITS – Mieutech : la montée en gamme
Dans un secteur plus technique, le groupe ITS–Mieutech, actif dans l’électricité industrielle, confirme que l’industrie algérienne peut viser bien au-delà du marché national.
Selon Nabil Khales, manager du groupe : « Nous sommes leaders dans cette activité depuis 2014. Nous avons réalisé plus de 30 projets réussis dans la construction industrielle et comptons plus de 20 clients de référence, parmi lesquels Sonatrach, Sonelgaz, ainsi que des entreprises étrangères. Cela démontre que notre savoir-faire dépasse les frontières.
Avec notre partenaire ITS, nous travaillons sur des projets à long terme, bien au-delà des attentes. Nous avons même réalisé l’étude pour la création, très prochainement, d’un produit jamais fabriqué en Afrique. Ce sera une exclusivité. »
Ce discours reflète une maturité industrielle nouvelle : innovation, ambition régionale et potentiel d’exportation traduisent une transformation de fond.
NESDA : la jeunesse afflue vers les projets productifs
Mais l’autre image marquante de SINA3A Expo reste l’afflux massif de jeunes autour du stand NESDA, le dispositif qui remplace l’ex-ANSEJ.
Pour beaucoup, il s’agit d’identifier des créneaux porteurs, notamment dans l’industrie. Un jeune venu de Sétif témoigne :
« Je suis venu de la wilaya de Sétif pour comprendre les tendances du marché. J’ai terminé mes études il y a deux ans et je cherche des informations sur les projets d’avenir en Algérie, ainsi que des contacts avec les acteurs de l’industrie nationale présents aujourd’hui. »
La responsable de la communication de NESDA confirme cet engouement : « Depuis ce matin, je ne fais que répondre aux questions. Les jeunes veulent des informations sur NESDA, qui remplace désormais l’ex-ANSEJ. Nous accompagnons les Algériens âgés de 18 à 55 ans, titulaires d’un diplôme universitaire ou professionnel, afin de les aider à concrétiser leurs projets par des orientations, un suivi personnalisé et des financements pouvant atteindre 10 millions de dinars. »
L’intérêt pour l’industrie n’est plus théorique : il se matérialise chez une jeunesse en quête de place dans l’économie réelle.