À Bruxelles, Alger et l’Union européenne ont renoué le fil du dialogue, sans dissiper les tensions qu’alimente un arbitrage européen inédit.
Deux mois après le lancement par Bruxelles d’une procédure d’arbitrage contre l’Algérie, les parlementaires des deux rives de la Méditerranée se sont retrouvés, jeudi, au siège du Parlement européen. Officiellement, la deuxième réunion de la Commission parlementaire mixte (CPM) Algérie-Union européenne devait célébrer la vitalité du dialogue politique. En réalité, elle a soigneusement contourné le sujet qui fâche, à savoir le différend commercial ouvert par l’Union européenne, une première depuis l’entrée en vigueur de l’Accord d’association en 2005.
Présidée par le député algérien Sid Ahmed Temamri et l’eurodéputé italien Ruggero Razza, la rencontre a multiplié les formules de circonstance sur “le partenariat stratégique” et “la diplomatie parlementaire”. L’Assemblée populaire nationale a salué un “échange franc et constructif”, tout en insistant sur les liens historiques et humains entre les deux parties. Mais derrière ce vocabulaire convenu, le constat économique reste inchangé : l’Union européenne capte près de 47 % du commerce extérieur algérien, tandis que l’investissement européen direct en Algérie ne dépasse pas 3 % des flux entrants. Un déséquilibre que la partie algérienne juge intenable.
Une relation économique sous tension
Bruxelles reproche à Alger d’avoir instauré un régime de licences d’importation et de quotas locaux contraire à l’esprit du libre-échange. Alger, de son côté, revendique une politique de substitution aux importations et une souveraineté économique retrouvée. L’arbitrage engagé cet été vise précisément ces restrictions, perçues comme des barrières déguisées. Autrement dit : derrière les sourires, un différend juridique bien réel oppose les deux partenaires.
À défaut d’accord sur le commerce, chacun mise sur un terrain plus stable : l’énergie. L’Algérie se présente comme “fournisseur fiable” de gaz, l’Union européenne met désormais en avant l’hydrogène vert et la transition énergétique. Ce langage de compromis masque mal la dépendance persistante de l’un et la prudence stratégique de l’autre, dans un contexte où Bruxelles multiplie ses sources d’approvisionnement depuis la guerre en Ukraine.
Rien, dans le communiqué final, ne mentionne l’arbitrage ni la perspective d’une médiation. La CPM, simple organe consultatif, n’a d’ailleurs aucun pouvoir pour y mettre fin. Sous le vernis diplomatique, le partenariat euro-algérien avance à fronts renversés : dialogue affiché, méfiance assumée.