Comme l’an passé, la valse des changements à la tête de certaines institutions, organismes et entreprises publiques algériennes s’est poursuivie à un rythme soutenu durant l’année 2025. L’année aura été marquée par des remplacements stratégiques dans les sphères gouvernementale, sécuritaire et économique, reflétant à la fois des impératifs de contrôle politique, de réorientation stratégique et de réponses aux défis internes et externes.
Remaniement gouvernemental : départ de Nadir Larbaoui et arrivée de Sifi Ghrieb
L’un des faits saillants de 2025 a été sans doute le limogeage de Nadir Larbaoui du poste de Premier ministre, moins d’un an après sa nomination en novembre 2023. Le président Abdelmadjid Tebboune l’a démis de ses fonctions en août 2025, nommant Sifi Ghrieb à la tête du gouvernement, d’abord en intérim, puis officiellement le 14 septembre 2025. Comme souvent, aucune justification officielle n’a été avancée pour expliquer ce changement.
De nombreux observateurs ont toutefois attribué la mise à l’écart de celui qui était jusqu’il n’y a pas longtemps dans le cercle proche du président Tebboune à sa lenteur dans la gestion du drame de l’accident du bus de transport de voyageurs dans l’oued El Harrach, qui avait fait une vingtaine de morts et plusieurs blessés.
Pour d’autres analystes, le départ de Larbaoui s’inscrit dans une logique plus large de gouvernance en quête d’adaptation rapide aux défis socio-économiques et politiques. L’exécutif cherchait alors à relancer la croissance, stabiliser l’inflation et redynamiser l’action gouvernementale.
La nomination de Sifi Ghrieb, issu du secteur industriel et perçu comme un technocrate, répondrait ainsi à la volonté présidentielle de donner une impulsion plus « technique » à l’action gouvernementale, tout en consolidant la loyauté autour de la présidence. Sous son autorité, un gouvernement remanié a été formé, avec plusieurs ministres repositionnés ou nouvellement nommés.
Services de sécurité : une rotation continue dans un contexte sensible
L’année 2025 a également été marquée par d’importants changements au sein des services de renseignement et de sécurité. En mai, le général Abdelkader Aït Ouarabi, dit « Hassan », a été installé à la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), après une succession rapide de titulaires à ce poste, dans un contexte manifestement marqué par des tensions internes et des enjeux sécuritaires majeurs.
Plus récemment, le général Abbas Ibrahim a été nommé directeur central de la sécurité de l’armée, en remplacement de Mahrez Djeribi. Cette transition à un poste hautement stratégique a été officialisée lors d’une cérémonie présidée par le chef d’état-major de l’ANP, le général Saïd Chengriha.
Au sein de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), de nombreux changements internes ont également été opérés au cours de l’année, bien que ceux-ci n’aient pas fait l’objet d’une large médiatisation.
Entreprises publiques : Sonatrach au cœur des bouleversements
Dans la sphère économique, les changements ont touché plusieurs grandes entreprises publiques. Le cas le plus notable de 2025 reste celui de Sonatrach, la principale compagnie pétrolière et gazière du pays, véritable moteur de l’économie nationale.
Le PDG Rachid Hachichi a été relevé de ses fonctions à la fin du mois d’octobre 2025, dans le cadre d’un remaniement décidé par le gouvernement. Cette décision a été précédée par une charge médiatique menée par deux journaux proches de la présidence, accusant le haut cadre de mauvaise gestion de la compagnie.
Rachid Hachichi a été remplacé par Noureddine Daoudi, dirigeant expérimenté ayant notamment présidé l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT). Officiellement, ce changement s’inscrit dans la volonté d’insuffler une nouvelle dynamique à Sonatrach, alors que l’Algérie cherche à augmenter ses capacités d’exploration et de production, à renforcer ses exportations de gaz vers l’Europe et à attirer davantage d’investissements internationaux.
Noureddine Daoudi hérite ainsi d’un plan stratégique ambitieux de plus de 60 milliards de dollars destiné au développement des hydrocarbures et de la pétrochimie à l’horizon 2029. Réussira-t-il son pari ? Dans un contexte géopolitique marqué par de nombreux défis, l’importance d’une Sonatrach solidement pilotée sur le plan stratégique apparaît comme une nécessité vitale.
Ajustements multiples
Outre Sonatrach, Serport, le gestionnaire des ports algériens, a également connu un changement à sa tête en avril dernier, avec la désignation d’Abdelkrim Rezzal en remplacement de Mohamed Karim Eddine Harkati, démissionnaire. Autres groupes touchés par le changement: Algérie Télécoms, il y a quelques jours seulement, Algérie Poste, la SNS, la holding Madar, Logitrans, la Sonarem et d’autres entreprises publiques.
L’ancien patron de Madar Charaf-Eddine a été même placé sous mandat de dépôt dans le cadre d’une vaste enquête sur l’entreprise algéro-émiratie de tabacs.
Par ailleurs, en février 2025, le président de la République a procédé à un remaniement des secrétaires généraux des wilayas, promouvant et transférant plusieurs hauts responsables régionaux. Cette opération s’inscrivait dans un effort plus large de modernisation et de rationalisation de l’administration territoriale.
Entre instabilité et outil de gouvernance
Cette valse de changements en 2025 constitue, pour certains observateurs, un indicateur d’instabilité institutionnelle. Pour ses promoteurs, en revanche, elle apparaît comme un instrument de gestion politique et une réponse aux défis d’un pays à la croisée des chemins, cherchant à transformer ses structures tout en naviguant entre des pressions internes et externes complexes.