Algex en crise : Boukhrouf plaide pour une régulation allégée

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Face au chaos d’Algex : Boukherouf plaide pour une régulation économique allégée

Par Djaffar OUIGRA
1 octobre 2025
Belkacem Boukherouf, ancien professeur à l'université Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou, économiste et doctorant en gestion des entreprises et management.

Files d’attente sans fin, nuits à dormir dans les voitures, revente de tickets au marché noir : la scène devant Algex résume l’impasse d’un modèle fondé sur la contrainte administrative. Pour l’économiste Belkacem Boukherouf, seule une rupture nette avec cette logique étouffante peut libérer l’initiative des entrepreneurs algériens.

Depuis l’annonce de sa dissolution en avril 2025, l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex) est devenue le symbole d’un système à bout de souffle. Entre files d’attente interminables et chaos administratif, les entrepreneurs algériens subissent quotidiennement les conséquences d’une bureaucratie étouffante. Face à cette crise, Belkacem Boukherouf, économiste et doctorant en gestion des entreprises et management, appelle à un changement radical de paradigme.

“Les pouvoirs publics doivent revoir leur rôle dans la régulation économique, affirme-t-il. Plutôt que de multiplier les contrôles administratifs sur les entreprises et les importateurs, il s’agit désormais de privilégier l’information, l’accompagnement et la surveillance des prix. L’expérience d’Algex illustre les conséquences négatives d’une logique de contrôle généralisé.”

Pour l’économiste, la solution passe par un allègement des contraintes bureaucratiques : “Il est nécessaire d’alléger les contraintes bureaucratiques qui pèsent sur les opérateurs économiques, afin de leur permettre d’agir dans un environnement plus fluide. La régulation du marché doit relever en priorité du jeu de l’offre et de la demande, et non d’une intervention directe de l’État.”

Pour lui, la priorité doit être donnée à la compétitivité. “La stabilité des prix et la sécurité d’approvisionnement passent par une production locale performante, en qualité comme en coût. Les importations ne devraient intervenir qu’en appoint, et non constituer la règle.”

Un chaos qui donne raison à l’économiste

Chaque dimanche et mardi, c’est le même rituel. Des centaines d’entrepreneurs venus des 58 wilayas du pays convergent vers le siège d’El Mohammadia, dans l’espoir d’obtenir un simple cachet ou une validation administrative.

Hamza a fait le déplacement depuis Ghardaïa. Entrepreneur spécialisé dans la plomberie, il témoigne de son exaspération : “Ils veulent nous imposer le matériel du groupe Tirsam, alors que ces petits engins ne sont pas fiables. Pour mes grands chantiers, j’ai besoin de matériel performant, mais je suis coincé ici, à attendre. J’ai envoyé plusieurs emails, sans aucune réponse. Je suis là depuis 10h avec un ticket numéro 653, et à 11h, près de 300 personnes étaient déjà passées. Si je ne suis pas servi, je devrai revenir dimanche prochain.”

Ali, lui, vient de Mila. Il connaît déjà les rouages de ce système kafkaïen : “La semaine dernière, j’étais déjà là, je n’ai même pas fini mes papiers, alors je reviens faire la queue. Ce matin, j’ai un ticket 445, mais ça ne sert à rien de passer la nuit ici, car les premiers tickets se vendent parfois jusqu’à 500 dinars. Je dois renouveler l’équipement de mon entreprise, car les produits proposés par Tirsam ne sont pas une option. Avant, cette procédure se faisait en une matinée dans notre wilaya, aujourd’hui c’est toute une odyssée.”

Des nuits en voiture et un marché noir de tickets

Le témoignage d’un investisseur en travaux publics venu de Tiaret illustre jusqu’où peut aller l’absurdité : “J’ai passé la nuit dans ma voiture devant Algex pour être parmi les premiers à obtenir un ticket. Vers 7h du matin, les gardiens ont commencé à distribuer les billets, mais une liste préalable a été ignorée, et je me suis retrouvé avec le ticket numéro 386, alors qu’environ 300 personnes étaient déjà là.”

Cette course aux tickets a même engendré un petit commerce parallèle. Certains n’hésitent pas à débourser jusqu’à 500 dinars pour acheter leur place dans la file, transformant un service public en marché noir où seuls les plus déterminés -ou les plus fortunés -peuvent espérer être servis.

Vers 11h du matin, le couperet tombe : plus de tickets disponibles. Beaucoup de gens arrivent à l’accueil et sont renvoyés au dimanche suivant. À l’intérieur de l’agence, c’est un monde fou; salle de conférence remplie, les halls, les parkings… Partout des gens stressés attendent leur tour pour être reçus, et certains ont besoin juste d’un renseignement.

Les entrepreneurs se retrouvent souvent bloqués pendant des heures dans un circuit administratif inefficace. Certains doivent sortir de l’agence pour effectuer une photocopie et revenir attendre leur tour, d’autres s’épuisent à poser des questions sans jamais obtenir de réponses claires. Cette anarchie crée un environnement délétère pour ceux dont le seul objectif est de faire tourner leur entreprise. Pour tenter de gérer ce chaos, un dispositif sécuritaire important a été mis en place, mais face à l’afflux massif, même les forces de sécurité peinent à faire respecter l’ordre.

Une réforme annoncée mais toujours en attente

Le 13 avril 2025, le président Abdelmadjid Tebboune avait annoncé la fin d’Algex et la création de deux nouveaux organismes. Cinq mois plus tard, la réforme tarde à se concrétiser sur le terrain. Entre-temps, les PME algériennes continuent de suffoquer sous le poids d’une administration paralysante qui hypothèque leur compétitivité. La question n’est plus de savoir si le système doit changer, mais à quelle vitesse les autorités sauront mettre en œuvre cette régulation allégée que Boukherouf appelle de ses vœux.

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