Derrière la croissance de 8,1 % du marché, le Conseil national des assurances met en garde contre « un déséquilibre entre la progression des primes et la lenteur des règlements ». Le secteur encaisse plus qu’il ne rembourse, et la confiance, déjà fragile, continue de s’éroder.
Fin juin 2025, “le stock des sinistres non réglés par les compagnies d’assurance algériennes atteignait 130,2 milliards de dinars”, selon le Conseil national des assurances. Ce n’est pas de l’argent contesté ou en litige : ce sont des indemnisations reconnues, validées, mais toujours pas versées. En un an, cette dette a gonflé de 12 %, un niveau jamais atteint.
Le chiffre interpelle d’autant plus qu’il intervient dans un contexte de forte croissance du secteur. D’un côté, le marché affiche une forme olympique. Le chiffre d’affaires du premier semestre grimpe de 8,1 % pour atteindre 99,3 milliards de dinars. L’automobile tire la croissance avec 40 milliards de primes (+8,4 %), les risques industriels suivent de près, l’agricole bondit de 18,8 %, et même les produits Takaful explosent (+69 %). Les Algériens n’ont jamais autant assuré leurs véhicules, leurs récoltes, leurs biens.
De l’autre côté du guichet, les remboursements se font attendre. Le taux de règlement s’effondre : 20,8 % en moyenne, contre 25 % un an plus tôt. Dans certaines branches, c’est pire encore. L’agricole plafonne à 19 %, le transport à 10 %. Autrement dit, seul un sinistre sur cinq est indemnisé dans des délais acceptables. Les 80 % restants attendent, parfois des mois.
Le Conseil national des assurances, dans sa note de conjoncture, pointe plusieurs causes à ce déséquilibre entre primes encaissées et sinistres réglés. Le problème n’est pas nouveau, mais il s’aggrave. Les expertises traînent, la digitalisation fait défaut, les trésoreries sont sous tension. Et le réésultat est tel que les déclarations augmentent de 9 %, mais le nombre de dossiers réglés chute de 14 %. L’automobile concentre 38 % des retards, les risques industriels 57 %. Dans cette dernière catégorie, les montants en jeu sont parfois considérables, ce qui alourdit encore la facture globale.
Sur le terrain, les conséquences sont concrètes. Les assurés paient leurs primes chaque année, souvent sous contrainte réglementaire pour l’automobile ou l’activité professionnelle. Mais quand survient le sinistre, l’attente commence. Des semaines, des mois parfois, avant de voir la couleur de l’indemnisation. Cette asymétrie mine la confiance dans un système censé protéger.
Face à cette dérive, le régulateur tire la sonnette d’alarme. Le Conseil national des assurances, dans sa note de conjoncture, pointe du doigt une “fragilité structurelle” masquée par la croissance commerciale. Le secteur encaisse bien, mais ne sait pas honorer rapidement ses engagements. Une situation d’autant plus préoccupante que l’État pousse à la bancassurance et à la diversification des produits, alors que le système peine déjà à gérer l’existant.





