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Attirer les IDE dans une tasse de café à 0,2 euro

Par Ihsane El Kadi
1 mai 2025

Mauvaise nouvelle. L’Algérie va revenir en territoire de déficit de sa balance commerciale en 2025 si les cours du brut maintiennent leur tendance baissière au-delà du second trimestre de l’année. Ce ne sont pas les exportations hors hydrocarbures qui nous éviteront un pareil sort. Elles se sont effondrées en 2024. Le modèle économique algérien s’apprête à nouveau à entrer en crise après avoir laissé entrevoir en 2022-2023 une possibilité de réduire sa vulnérabilité à l’évolution du marché pétrolier. Il était très imprudent d’avancer des prévisions à 13 milliards de dollars d’exportation en hors hydrocarbures sans s’assurer que le mécanisme des prix de 2022 allait se poursuivre dans le moyen terme. Erreur de diagnostic conduisant à l’erreur de prévision. Le groupe de produits qui a fait décoller les revenus de l’exportation hors hydrocarbures est issu d’investissements mâtures des 30 dernières années : le clincker et le ciment, les engrais, l’acier. Pour espérer stabiliser la croissance des exportations hors hydrocarbures, il aurait fallu pouvoir s’appuyer sur une plus forte diversification de l’économie. En particulier, un décollage de l’industrie manufacturière.

Toutes les notes de conjoncture de la banque mondiale et du FMI évoquent depuis de longues années le besoin de réformes afin de soutenir l’offre de biens et de services en Algérie et de diversifier sa production. Cette recommandation arrive toujours en deuxième partie de rapport. Les apologistes préfèrent se gargariser sur la première où il est question de la bonne tenue de l’activité en général et du faible endettement du pays. La lecture de l’avenir se lit pourtant dans le creux de la main de l’investissement. Les comptes extérieurs nous disent qu’il est insuffisant pour porter les exportations hors hydrocarbures au-dessus des 7 milliards de dollars de 2022. Inviter le privé national à investir dans le transport maritime ou dans les banques est bien. Cela ne remplace pas une feuille de route stratégique de diversification. Et son booster à l’export, l’investissement direct étranger [IDE]. Or l‘Algérie, comparativement à la majorité des pays de la zone Mena, parait avoir tourné le dos aux IDE depuis la loi de finance complémentaire de 2009 et ne plus savoir renouer avec les flux entrants de capital étranger en particulier dans l’industrie. Dans la performance de 2022 des exportations hors hydrocarbures, il existe avec Tosyali, Qatar Steel, Fertiberia, Holcim Lafarge, plus de 50% du chiffre d’affaires à l’export hors hydrocarbures qui est le résultat d’anciens IDE matures. Ne pas l’avoir observé et se dispenser de nouveaux IDE pour diversifier l’économie et porter les exportations de biens manufacturés, accélérateurs de la diversification, est une faute politique qui s’éternise.

Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles cette semaine. Les IDE restent homéopathiques mais tout n’est pas à l’arrêt pour les acteurs nationaux. General Emballage le géant africain de son métier a posé, à Naâma, la première pierre de son complexe de production de pâte à papier de 350 000 tonnes par an basé exclusivement sur la récupération du carton à travers le pays. Il s’agit de la plus grande usine du continent et elle doit permettre de ne plus recourir à l’importation de la matière première. Une autre manière de soulager la balance commerciale si fragile tout en créant plusieurs milliers d’emplois directs et indirects. La satisfaction de voir ce projet prendre vie est toutefois tempéré par deux facteurs : son implantation et son coût.

Les délais moyens entre la décision d’investissement et son lancement effectif sont beaucoup trop longs en Algérie. Cela impacte ce que le Doing Business nomme les « coûts de transaction». L’investissement est passé de 190 millions de dollars à près de 270 millions de dollars en six ans, le temps nécessaire pour son lancement. Il devait s’implanter à Oran, ce qui, du point de vue du coût d’exploitation et de son empreinte carbone avait du sens. L’audacieux pari politique du développement des régions steppiques, pour excitant qu’il est, agglomère beaucoup d’incertitudes opérationnelles sur le projet. La diversification de l’économie ne va clairement pas à l’allure nécessaire pour résister aux dépressions cycliques du marché du pétrole et du gaz. L’accélérer est le grand défi de n’importe quel exécutif responsable. Cette chronique aurait pu être dédiée justement aux décisions de l’exécutif qui s’apparentent à de l’exorcisme de la conjoncture. On ne sert plus de café presse dans une grande partie d‘Alger. Effet indésirable d’une thérapie, le plafonnement des prix, que la science économique ne recommande que très sélectivement. Par contre elle est déboussolée, avec le renfort de l’IA, devant la question volontairement loufoque : « une mesure de protection du pouvoir d’achat rendant la tasse de café à 0,2 euro en Algérie peut-elle attirer les IDE et accélérer la diversification industrielle ? ».

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