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Maghreb

Au Maroc, officiels et partis politiques veulent légaliser la culture du cannabis

Par Yazid Ferhat 22 mars 2016
Les producteurs marocains de cannabis veulent avoir pignon sur rue (DR)

La culture du cannabis est la principale activité agricole dans le Rif marocain, pauvre et déshérité, abandonné par l’Etat depuis la révolte contre le trône en 1958. Aujourd’hui, pourtant, des  »commis » de l’Etat marocain veulent légaliser cette culture, appuyant les appels des partis politiques proches du Palais royal.

 

C’est l’initiative et le projet de Ilyas El Omari, le président de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, qui a plaidé dans une salle comble pour la légalisation de la culture du cannabis, lors d’un colloque international organisé à Tanger, vendredi et samedi derniers. Une initiative qui intervient un peu plus d’une année après un débat parlementaire sur la légalisation de la culture et la consommation à des fins médicales du cannabis au Maroc, plous gros producteur mondial. Dans la salle, il y avait des officiels, comme le wali de la région Mohamed Yacoubi, des membres du Conseil économique et social, des parlementaires, des diplomates et, des cultivateurs de cannabis. Il y avait également des représentants de plusieurs partis politiques membres du Conseil, hormis ceux  du PJD, au pouvoir.   »Le débat sur le cannabis est une affaire nationale », selon El Omari, pour qui il s’agit de décider du sort de la population rifaine, en particulier les 40.000 cultivateurs de cannabis de la région, qui sont en totale illégalité par rapport à la loi. Juridiquement, toute la population du Rif est passible de prison, même ceux qui traversent les champs de cannabis. 

 

Cannabis, des potentialités de développement

 

Driss Guerraoui, secrétaire général du Conseil économique, social et environnemental, estime que  »la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima ne peut continuer à ignorer pour son développement les potentialités qu’offre la culture du cannabis. » Pour lui,  »cette culture occupe une place importante dans l’économie de la région et tout projet de développement devra inclure une réflexion novatrice sur l’opportunité de son intégration ». Plusieurs participants à cette rencontre, qui ont estimé que le débat sur le cannabis ne doit plus  »être un tabou », ont plaidé pour  »la dépénalisation de sa consommation et de sa culture ». Dans son rapport 2014, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) rapporte que le Maroc  »reste toujours le premier producteur de résine de cannabis sur le continent et l’un des premiers au monde. » En 2013, les producteurs marocains de cannabis ont atteint le volume de 38.000 tonnes et 760 tonnes de cannabis transformé en résine (kif). Officiellement, la production marocaine de cannabis s’étale sur un peu plus de 47.000 hectares, principalement dans les montagnes du Rif. La France, l’Espagne et l’Europe en général sont les premiers marchés des trafiquants marocains, l’Algérie étant devenue selon des experts, une zone de transit vers l’Europe. Mais, au Maroc, pourtant, le débat est ailleurs. 

 

Des législatives parfumées de kif

 

A l’approche des élections locales et législatives de septembre 2016, plusieurs partis, ceux de l’opposition comme ceux de la majorité, loin de ces chiffres alarmants, veulent surfer sur la culture du cannabis qui fait vivre plus d’un million de familles marocaines des régions du Rif, de Tanger à Nador. Ces partis, dont le PJD (au pouvoir) n’hésitent plus à demander officiellement la légalisation de la culture du cannabis et l’instauration d’un débat parlementaire. L’Istiqlal, le plus vieux parti politique marocain, a déjà proposé fin 2013 un projet de loi dans ce sens, suivi et soutenu dans cette démarche par le PAM (Parti de l’Authenticité et de la Modernité), qui a même approché et sensibilisé les producteurs du Rif. La proposition de loi de l’Istiqlal voudrait que la culture du cannabis soit limitée à cinq régions : Al Hoceima, Chefchaouen, Ouazzane, Tétouan et Taounate, alors  qu’une agence étatique devrait se charger de contrôler l’exploitation et la commercialisation. Ce projet de loi, introduit par le groupe parlementaire de l’Istiqlal, reprend dans ses grandes lignes la proposition du collectif marocain pour l’usage médical et industriel du Kif (CMUMIK), en fait une législation qui, tout en sanctionnant le trafic de drogue, autorise l’exploitation du Kif à des fins médicales et industrielles (médecine, cosmétiques, …).  A l’hiver 2014, l’Istiqlal et le PAM, proche du Roi, ont organisé deux grandes rencontres à Bab Brerred, dans le Rif, auxquelles avaient assisté plus de 1.000 producteurs de cannabis. Objectif : fédérer ces ‘’agriculteurs’’ en coopératives de production dans la perspective de la légalisation de cette culture, et les soustraire à la loi, pour ne plus être persécutés par les services de sécurité. Avec l’objectif cependant d’avoir les voix de ces cultivateurs lors des prochaines élections législatives de 2016.

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