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« Avant d’accorder des terres aux investisseurs, il faut étudier l’impact sociétal » ( Pr. Moha El-Ayachi)

Par Aboubaker Khaled 30 novembre 2019

Le Professeur Moha El-Ayachi est chercheur à l’institut agronomique et vétérinaire Hassan II,  au Maroc et membre du comité des experts de la conférence sur les politiques foncières en Afrique, organisée du 25 au 29 novembre 2019 à Abidjan (Côte d’Ivoire) par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), la Banque africaine pour le développement (BAD) et l’Union africaine (UA).

Maghreb Émergent : d’abord, quel est la situation de la gestion du foncier en Afrique du Nord ?

Pr. Moha El-Ayachi : la gestion du foncier en Afrique du Nord est complètement différente par rapport au reste du continent. Il y a des différences sur le plan historique, culturel et religieux entre ces pays et le reste du continent. Les pays de l’Afrique du nord ont subi presque le même colonisateur, qui est la France. Mais il y avait aussi l’Italie en Libye l’Angleterreen Egypte et au Soudan. Quand ces colonisateurs sont arrivés dans la région, il existait des lois basées sur la loi islamique en parallèle avec des pratiques coutumières qui régissaient le foncier. Des lois qui définissaient l’achats, la vente, la cessation, l’expropriation et l’héritage des terres.

Les colons avaient essayé de casser le système existant, qui fonctionnait bien, mais ils n’ont pas pu. Par contre, ils ont pu laisser après l’indépendance de ces pays un autre régime de gestion des terres, à savoir le droit positif. Ce qui a créé une coexistence de deux régimes. Donc, la possession des biens soit elle est privée, publics ou communautaires, et il y a aussi des terres qui appartiennent aux fondations religieuses.

Est-ce que la gestion du foncier en Afrique du Nord est la même avec le reste du continent ?

D’abord, l’Etat a un droit sur les terres publiques, il en fait ce qu’il veut pour l’intérêt public. D’ailleurs, en Afrique du Nord, cela fonctionne bien, malgré les problèmes qui existent. Le foncier est bien maitrisé et les droits sont bien connus. Quand on examine les systèmes des autres pays de notre continent, on constate qu’on est bien avancés. Les pays d’Afrique du Nord ne souffrent pas de l’emprise des leaders traditionnels ou de l’existence des petites royautés.

Dans d’autres pays du continent, il y a des terres qui appartiennent aux communautés traditionnelles et qui sont gérées par les chefs de communauté ou chef de familles. Dans les pays de l’Afrique subsaharienne, il existe des conflits entre les gouvernements et les communautés traditionnelles, causés par les droits sur la terre. Les communautés traditionnelles ont leur propre lois et règlementations dans la distribution des terres, mais aussi les Etats ont le droit positif sur les biens, ce qui crée des retards en matière de développement.

Peu de pays ont pu sortir de ce système, à l’instar du Rwanda, du Malawi ou de l’Ouganda. Et cela a donné lieu à des changements dans leurs sociétés.

Que pouvez-vous nous dire au sujet des possibilités offertes à l’investissement éttranger en Afrique et à l’exploitation du foncier par les étrangers ?

Après les indépendances, la première chose que les gouvernements font c’est la récupération des terres. Au fur et à mesure des lois et des réglementations sont instaurée. Mais, à cette époque, on ne savait pas qu’il y aurait un jour des terres exploitées par des investisseurs étrangers suivant le principe « gagnant-gagnant ».

Avec le développement des relations internationales et la mondialisation, il est devenu indispensable de s’ouvrir à l’extérieur. C’est à ce moment-là qu’on se heurte aux lois qui existaient avant. En Egypte, qui est un pays difficile d’accès aux investisseurs étranger, les autorités ont engagé deux grandes réformes depuis 2010 pour s’ouvrir à l’investissement. Le même cas aussi pour le Soudan où l’appropriation est partagée entre le gouvernement, les régions et les communautés.

En Algérie, par exemple, il y a deux systèmes d’appropriation des terres. Soit par nationalisation soit par récupération. Par nationalisation, on comprend que les terres sont pour les Algériens et destinées aux Algériens.

Au Maroc aussi l’Etat est confronté à la difficulté d’instaurer des règles entre ce qui appartient aux individus et les terres gérées par les collectivités. Cette difficulté n’est pas pour encourager l’investissement étranger. D’ailleurs récemment, l’Etat est en train de revoir les textes qui régissent le foncier.

La Tunisie est très en avance par rapport aux autres pays d’Afrique du Nord. C’est le premier pays à avoir libéré des terres et à attirer les investisseurs étrangers.

Quelles sont les mesures à prendre pour faciliter l’accès au foncier aux investisseurs ?

Il y a des pays qui ont franchi des étapes importantes et ont pu mettre en place des réglementations pour faciliter l’investissement, national ou étranger.

Ce genre de mesures est, toutefois, à double tranchant. Cela peut être bénéfique à l’Etat, vu que cela génère de l’argent, mais le doute reste sur son impact sur la société, qui perd de plus en plus de terres. Donc, avant toute libération des terres, il faut étudier l’impact sociétal.

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