Les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque islamique de développement (BID) ont débuté lundi à Alger, pour la troisième fois dans la capitale algérienne. L’événement, qui se poursuit jusqu’au 22 mai, réunit des délégations des 57 pays membres dans un contexte où l’indépendance économique africaine est plus que jamais débattue.
“Contribuer à la diversification des politiques visant à améliorer la qualité de vie des Africains, tout en leur permettant de financer leurs propres projets sans recourir à des ingérences étrangères.” Cette déclaration de Babacar Diagne, président du Conseil des entreprises sénégalaises, résume l’espoir placé dans cette institution financière islamique. Une promesse séduisante qui alimente un discours d’émancipation vis-à-vis des institutions financières occidentales traditionnelles.
Pourtant, derrière cette rhétorique d’autonomie se cache une autre réalité : la BID elle-même impose ses propres conditionnalités. Les 3 milliards de dollars investis en Algérie ne sont pas sans contreparties. Comme toute institution financière, la BID oriente les politiques économiques des bénéficiaires, substituant simplement une forme d’influence à une autre.
Cette contradiction se manifeste dans les secteurs prioritaires ciblés par ces financements. “L’industrie pharmaceutique et la sidérurgie” mentionnées par Mahmoud Hussein Khellif, directeur au sein de la SIACE, reflètent davantage une logique d’intégration aux marchés mondiaux qu’une véritable autonomisation. La question se pose : qui détermine ces priorités ? Les populations locales ou les impératifs de rentabilité des bailleurs ?
La vision géographique promue lors de ces Assemblées révèle également cette tension. Bassam Sowa, président régional pour l’Afrique à la SIACE, valorise la position de l’Algérie comme “stratégique en Afrique et proche de l’Europe”, une perspective qui place le pays en intermédiaire plutôt qu’en centre de décision autonome. Ce positionnement maintient l’économie algérienne dans une logique d’extraversion, tournée vers l’extérieur plutôt que vers les besoins intérieurs.
L’Algérie, carrefour des ambitions de la BID
À mesure que progressent les travaux, la stratégie décennale annoncée par Aamir Mir, directeur à la BID, devra être examinée sous cet angle critique : permettra-t-elle une réelle diversification économique ou perpétuera-t-elle des modèles de dépendance sous un habillage différent ? Les “décisions historiques” promises pour les 22 États membres les moins développés risquent de reproduire les schémas classiques du développement imposé.
L’expérience des décennies passées nous enseigne que changer de bailleur sans transformer les structures économiques fondamentales ne libère pas les économies africaines. La simple substitution des institutions financières occidentales par des alternatives comme la BID ne garantit pas l’émancipation si les mécanismes d’influence demeurent similaires dans leur essence.
C’est toute l’ambiguïté de cette rencontre d’Alger : célébrer une coopération Sud-Sud qui reproduit paradoxalement certains des mécanismes qu’elle prétend combattre. Pour l’Algérie comme pour les autres pays africains membres, le véritable défi n’est pas d’attirer des financements alternatifs, mais de les transformer en leviers d’autonomie économique réelle, au service des populations plutôt que des logiques financières internationales.
La question fondamentale qui traverse ces Assemblées est donc celle de la compatibilité entre les mécanismes de financement internationaux, quels qu’ils soient, et l’aspiration légitime des nations africaines à déterminer souverainement leur développement économique. Les discours d’autonomie financière résisteront-ils à l’épreuve des conditions attachées aux 3 milliards de dollars et aux futurs investissements de la BID en Algérie ?