Bas carbone : la Chine investit en Égypte et au Maroc

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Bas carbone : la Chine investit en Égypte et au Maroc, pas en Algérie

Par Samy Indjar
10 novembre 2025

À l’ouverture de la COP30 ce 10 novembre, un constat dérangeant s’impose pour l’Afrique du Nord : la vague mondiale d’investissements bas carbone pilotée par l’industrie chinoise transforme rapidement les chaînes de valeur énergétiques, mais l’Algérie reste en marge du mouvement. Un rapport publié en 2025 par le Net Zero Policy Lab et le GDP Center apporte une cartographie détaillée de ces investissements. Il montre à quel point le Maroc et l’Égypte se sont imposés comme destinations de choix, tandis qu’aucun projet manufacturier vert chinois n’est enregistré en Algérie sur plus de dix ans.

Une accélération mondiale sans précédent

La base de données sur les investissements chinois bas carbone à l’étranger, analysée dans le rapport, recense 461 projets entre 2011 et mi-2025, couvrant onze secteurs, du solaire à l’hydrogène en passant par les batteries. L’évolution est spectaculaire. Selon les auteurs, les fabricants chinois ont engagé « au moins 227 milliards de dollars dans des projets manufacturiers verts à l’étranger » et « près de 88 % de ces montants ont été annoncés après 2022 »  .

L’ampleur dépasse largement les efforts occidentaux comparables. Le rapport note que ces investissements « surpassent les 200 milliards de dollars (en valeur 2024) du Plan Marshall » alors que l’industrie chinoise occupe désormais une position dominante dans les technologies bas carbone clés  .

L’après-2021 marque une bascule stratégique. Longtemps centrée sur le solaire, l’industrie chinoise internationalise désormais des pans entiers de la chaîne bas carbone : matériaux de batteries, gigafactories, véhicules électriques et hydrogène vert. Le solaire reste volumineux en nombre de projets, mais les montants les plus élevés se concentrent désormais dans les matériaux de batteries et l’hydrogène, où les projets dépassent couramment le milliard de dollars.

Cette expansion mondiale répond à plusieurs moteurs : sécurisation des marchés étrangers, accès aux matières premières critiques et contournement des barrières commerciales. Depuis 2024, le durcissement réglementaire américain et européen pousse les entreprises chinoises à multiplier les implantations locales ou régionales pour maintenir leur accès au marché.

La région MENA, nouveau centre de gravité

La région MENA émerge comme l’une des grandes gagnantes de cette internationalisation accélérée. Le rapport montre un bond spectaculaire : la zone représentait presque rien en 2021, elle capte « plus de 20 % des nouveaux projets en 2024, pour près de 50 milliards de dollars »  . Plusieurs facteurs convergent : ressources solaires et éoliennes exceptionnelles, stratégies industrielles volontaristes, incitations étatiques et proximité des marchés européens.

Deux segments se détachent : les matériaux de batteries et l’hydrogène vert, très gourmands en capital et exigeant des conditions d’implantation spécifiques : énergie renouvelable abondante, terrains industriels, garanties d’accès au marché.

Le rapport décrit également l’effet d’entraînement des monarchies du Golfe, qui ont attiré des usines de modules solaires et d’électrolyseurs grâce à des politiques d’achat public et à des incitations massives. Cette dynamique crée un écosystème régional dont l’Afrique du Nord peut théoriquement bénéficier, à condition d’être dans le jeu. Le contraste est saisissant : dans la base de données, le Maroc et l’Égypte sont des destinations majeures ou émergentes des investissements chinois bas carbone ; l’Algérie n’apparaît nulle part.

Maroc : un hub pour matériaux de batteries et hydrogène

Le Maroc est le deuxième pays au monde en valeur totale d’investissements chinois dans le secteur, derrière l’Indonésie. Le rapport explique cette position par un alignement rare de facteurs : ressources minérales (notamment phosphates pour les précurseurs de cathodes), politique industrielle volontariste, zones industrielles attractives et accès préférentiel au marché européen. Le document souligne que le pays a attiré des « investissements à grande échelle dans les matériaux de batteries et l’hydrogène vert »  .

S’y ajoutent les projets d’électrolyse et de production d’hydrogène ou d’ammoniac vert, portés par des développeurs chinois cherchant des sites à bas coût énergétique et proches de l’Europe. Le Maroc devient ainsi un point d’ancrage des chaînes de valeur batteries et hydrogène du futur.

Égypte : tête de pont de l’hydrogène vert à vocation export

L’Égypte, elle, attire surtout des complexes hydrogène/ammoniac verts orientés export. Soutenue par des ressources renouvelables abondantes et la zone du canal de Suez comme plateforme logistique, elle multiplie les  accords pour des projets hydrogène pilotés par des entreprises chinoises. Le rapport souligne que « la majorité des projets se situe en phase de planification, mais le pays s’impose comme un hub continental pour l’hydrogène vert »  .

L’enjeu égyptien est clair : capter les besoins futurs de l’Europe en dérivés d’hydrogène décarbonés.

Algérie : le grand absent de la carte bas carbone chinoise

Face à cette recomposition rapide, l’absence totale de l’Algérie interroge. Le rapport, pourtant exhaustif, ne recense aucun projet manufacturier bas carbone chinois en Algérie entre 2011 et mi-2025. Aucune mention dans les sections géographiques, aucun projet solaire, batterie, matériaux, NEV, hydrogène ou éolien. Le pays ne figure sur aucune carte régionale du document.

Cette absence reflète une réalité : malgré son potentiel solaire ou éolien, l’Algérie n’a pas encore structuré l’environnement attractif requis pour capter les investissements industriels verts chinois. Contrairement au Maroc ou à l’Égypte, elle ne propose ni cadres d’incitations ciblés, ni stratégie claire d’intégration aux chaînes de valeur européennes, ni zones industrielles cleantech dédiées. La dépendance persistante aux hydrocarbures traditionnels et l’absence de signaux réglementaires stables pèsent également.

À l’ouverture de la COP30, le constat est donc brut : la réindustrialisation bas carbone mondiale s’accélère, la MENA devient un front stratégique, l’Afrique du Nord se structure… mais l’Algérie reste à la marge de ce mouvement . Le rapport fournit une ligne claire : les flux chinois vont vers les pays qui articulent ressources, politiques industrielles et accès marchés. À ce jour, l’Algérie n’a pas encore pris ce virage.

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