La France dispose de huit millions de tonnes de blé à exporter, mais peine à trouver preneur. La perte du marché algérien, longtemps captif et estimé à un milliard d’euros par an, pèse très lourd.
Selon l’agence internationale Argus Media, la France devrait expédier environ huit millions de tonnes de blé hors Union européenne durant la campagne 2025-2026. « La France devrait exporter huit millions de tonnes de blé vers des pays hors Union européenne en 2025-2026, mais les conditions de marché défavorables signifient que ces volumes ne devraient pas dépasser ce seuil, même si la production française rebondit après la récolte catastrophique de 2024 », estime l’agence. Elle ajoute : « La France devrait terminer l’année commerciale 2025-2026 avec quatre millions de tonnes de blé en stock, soit le plus haut niveau depuis deux décennies. »
Exit les cinq millions de tonnes/an exportés vers l’Algérie
Cette difficulté d’écoulement tient largement à la perte du marché algérien. « La demande pour le blé français a chuté, en particulier à cause de la perte du commerce avec l’Algérie depuis la fin de 2024 », rappelle Argus. Pendant longtemps, Alger absorbait jusqu’à cinq millions de tonnes de blé français par an. Mais depuis 2016, l’Algérie a choisi de diversifier ses fournisseurs, notamment vers la Russie et l’Ukraine. En 2021, les critères d’achat de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) ont été adaptés, ouvrant davantage la voie aux origines de la mer Noire. Les volumes français se sont alors effondrés : plus de cinq millions de tonnes en 2018, moins d’un million en 2023, puis presque rien en 2024.
Ce désengagement, d’abord économique, est survenu bien avant la crise diplomatique actuelle, qui semble évoluer vers une rupture. Les autorités algériennes, très regardantes sur la facture des importations — surtout durant les périodes de baisse des cours pétroliers — ont adapté les cahiers des charges pour privilégier des blés moins chers. La France, dont les récoltes sont marquées par une certaine irrégularité et dont les prix sont moins attractifs, s’est retrouvée face à des blés russes et ukrainiens plus compétitifs et abondants.
La crise diplomatique de 2024 semble avoir définitivement verrouillé le marché algérien. Dans les médias français, des fournisseurs affirment qu’ils sont désormais écartés des appels d’offres algériens.
Un marché mondial très concurrentiel
Cette perte du marché algérien intervient dans un contexte mondial particulièrement concurrentiel. La Russie s’apprête à livrer 86,1 millions de tonnes de blé, l’Ukraine près de 22 millions, tandis que l’Espagne, la Roumanie et la Bulgarie annoncent des récoltes record. L’Australie et l’Argentine, grâce à des conditions climatiques favorables, élargissent encore les choix des acheteurs.
Face à cette abondance, les producteurs français, désavantagés par un euro fort, peinent à rester compétitifs. Argus souligne que « les prix du marché du blé en France sont actuellement de 30 euros par tonne en dessous du seuil de rentabilité moyen pour les producteurs ». Cela signifie que le prix de vente du blé sur le marché ne suffit pas à couvrir les dépenses des producteurs (comme les semences, l’engrais ou le carburant), les forçant à vendre à perte.
Le divorce céréalier entre l’Algérie et la France est donc le résultat d’un double mouvement : d’abord une stratégie de diversification engagée dès 2016, qui joue sur la concurrence et sort la commande algérienne du tropisme français ; ensuite, une situation de quasi-rupture entre Alger et Paris depuis 2024. Les opérateurs français ont perdu, en définitive, un marché algérien d’un milliard d’euros qui a semblé longtemps captif.