Le CREA (Conseil du Renouveau Économique Algérien), seule organisation patronale officiellement reconnue en Algérie, peut-il encore se permettre de garder le silence face à la dérive actuelle de la gouvernance économique ? Plus rien n’est lisible. Les décisions s’enchaînent, contradictoires, désordonnées, parfois absurdes, sans cadre stratégique, sans dialogue, sans vision.
La fameuse stabilité du cadre juridique et réglementaire, pourtant érigée en engagement présidentiel, s’est évaporée. Ce qui devait rassurer est désormais source d’inquiétude. Les dernières décisions du ministère du Commerce en sont l’illustration flagrante : elles sèment le doute chez les investisseurs, déstabilisent les opérateurs économiques et installent un climat d’incertitude permanente.
Que répondre à nos partenaires étrangers ? Quelle image renvoyons-nous de notre pays, alors que l’Algérie regorge de ressources naturelles, de compétences humaines et d’aspirations légitimes ? Que dire aux collaborateurs, aux équipes, aux jeunes, quand entreprendre devient un acte pénalisé, presque dissuadé ? Quand la création de valeur et d’emplois est freinée par des obstacles administratifs, psychologiques et politiques de plus en plus pesants ?
Une économie ne se gouverne pas uniquement par le niveau des réserves de change. Elle ne peut prospérer sous le seul prisme de la paranoïa. Elle a besoin de confiance, de cohérence, d’horizon. Aujourd’hui, l’acte d’entreprendre est suspecté, surveillé, entravé. Et l’Algérie, au lieu d’en tirer de la richesse, en tire de la frustration.
La fuite des talents n’est plus une crainte : c’est une réalité bien installée. Et tant que les signaux resteront aussi dissuasifs, elle ne pourra que s’accélérer.
Il est encore temps de redresser la barre. Mais cela suppose du courage. Et un sursaut de lucidité.
Slim Othmani est une figure du monde économique algérien, notamment pour son expertise dans l’industrie agroalimentaire et sa vision stratégique en affaires. Ancien dirigeant de NCA Rouiba, entreprise familiale spécialisée dans les jus et boissons.
Othmani s’est distingué par son engagement pour la gouvernance d’entreprise et l’innovation, notamment à travers la création du think tank CARE, qu’il a présidé pendant plus d’une décennie. Il a aussi œuvré à la structuration du secteur privé en Algérie via l’APAB et l’association Injaz El Djazair. Son franc-parler et son implication dans la promotion de l’entrepreneuriat font de lui une référence pour la modernisation de l’économie algérienne et le monde des affaires maghrébin.