La confusion était totale. Présenté comme une radiation imposée par la COSOB, le départ de BNP Paribas de la bourse d’Alger résulte en réalité d’une demande volontaire de la banque française, motivée par la faible rentabilité du marché.
Pour comprendre ce retrait, il faut revenir sur la procédure. D’après les informations recueillies par Maghreb Émergent auprès d’une source proche de BNP Paribas El Djazaïr, la banque avait introduit dès le 3 octobre 2022 une demande officielle de renoncement à son agrément d’Intermédiaire en Opérations de Bourse (IOB). Le processus s’est conclu cette semaine, avec le transfert définitif des comptes-titres de ses clients vers d’autres teneurs agréés.
La dépêche de l’APS de dimanche dernier, reprenant un communiqué de la COSOB, pouvait laisser comprendre – notamment dans sa reprise par de nombreux confrères – qu’il s’agissait d’une radiation à l’initiative de la COSOB. Dans ce cas, le lien avec la crise politique entre Alger et Paris était inévitable. Il ne s’agit finalement pas de cela. Les raisons du retrait de BNP Paribas comme IOB s’avèrent purement managériales et économiques, et pointent surtout la faiblesse du marché boursier algérien.
Un retrait volontaire enclenché dès 2022
Selon les explications fournies à Maghreb Émergent, BNP Paribas El Djazaïr avait initié dès l’automne 2022 son retrait du rôle d’IOB. Le 3 octobre 2022, la banque a adressé à la Commission d’Organisation et de Surveillance des Opérations de Bourse (COSOB) une demande formelle de cessation de son activité d’intermédiation.
La procédure a suivi son cours administratif normal : le 1er février 2023, la COSOB a acté la radiation de BNP Paribas de la liste des intermédiaires agréés. Pour les clients, une période transitoire a été organisée, avec la mise en place d’un partenariat avec SGA Algérie, (Société Générale Algérie) afin de garantir la continuité de la gestion des comptes-titres. Cette phase s’est conclue cette semaine avec le transfert complet des derniers portefeuilles vers d’autres acteurs du marché.
Une confusion médiatique autour du communiqué de la COSOB
L’ambiguïté est née d’un communiqué de la COSOB repris par l’APS et relayé ensuite dans plusieurs titres de presse. La formulation employée mettait au second plan de l’information le fait, important, que la radiation comme IOB venait à la demande de la banque française. Elle pouvait, dans une lecture hâtive, laissait entendre que l’initiative de cette radiation était le fait de l’autorité de régulation elle-même.
Dans un contexte de tensions diplomatiques extrêmes entre Alger et Paris, cette interprétation ouvrait la voie à des lectures politiques du départ de BNP Paribas de la bourse d’Alger. Or, selon le descriptif de la source de Maghreb Émergent, il s’agit d’une décision aux motivations stratégiques et managériales. La banque française a choisi de se retirer pour des raisons internes, et le régulateur n’a fait qu’entériner cette décision.
La Bourse d’Alger face à un manque de dynamisme
Le retrait de BNP Paribas El Djazaïr met aussi en lumière les difficultés chroniques de la Bourse d’Alger. Depuis sa création, elle peine à décoller et reste marquée par un nombre limité de sociétés cotées et une très faible liquidité. Malgré l’introduction en 2025 de la Banque de Développement Local (BDL), qui a fait espérer un regain d’activité, la capitalisation du marché a reculé, confirmant les doutes sur sa capacité à attirer durablement les investisseurs. Les volumes d’échanges restent modestes, ce qui limite fortement l’intérêt des grandes institutions financières internationales pour ce segment.
Un rôle d’IOB peu rentable sur les petites places
La décision de BNP Paribas illustre un problème structurel : sur des places financières à faible profondeur de marché comme Alger, l’activité d’IOB génère peu de revenus par rapport aux coûts fixes (technologie, conformité, infrastructures, ressources humaines). Les commissions perçues sur des volumes aussi réduits ne permettent pas d’atteindre une rentabilité satisfaisante. « Le retrait de BNP Paribas s’inscrit dans une stratégie plus large de recentrage de la banque française sur ses marchés les plus dynamiques », explique la source de Maghreb Émergent. Ce recentrage touche non seulement l’Algérie, mais aussi d’autres places africaines, où plusieurs banques françaises ont réduit ou réorganisé leur présence au cours des dernières années.
Une tendance générale des banques françaises en Afrique
Depuis une décennie, les grandes banques françaises réduisent progressivement leur empreinte en Afrique, se désengageant de certaines filiales ou recentrant leur activité sur les marchés les plus rentables. BNP Paribas n’échappe pas à cette tendance. En Algérie, ce choix s’est traduit par l’abandon d’activités jugées marginales ou faiblement profitables, dont l’intermédiation boursière. La place d’Alger, avec sa profondeur limitée et son manque d’attractivité, ne pouvait constituer un axe stratégique durable.