Israël a la prétention de stopper le programme nucléaire Iranien au prix d’une campagne militaire inédite. L’État hébreu, non signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et refusant les inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), impose un ordre nucléaire qu’il ne respecte pas lui-même.
Cette asymétrie – une puissance dotée de l’arme nucléaire bombardant un État au seuil militaire – échappe aux analyses technocratiques habituelles de la prolifération. Elle scelle le sort de la non-prolifération telle qu’elle a existé.
Les critères d’accès au club atomique sont complexes. Ils peuvent se résumer ainsi : il faut remplir des conditions d’accumulation technologique et militaire portée par une plateforme économique solide notamment pour maîtriser l’enrichissement de l’uranium 235 et la réaction en chaîne explosive qui signifie la fabrication d’ogives nucléaires transportées ensuite par des missiles balistiques.
L’Iran coche toutes les cases qui ont conduit des pays comme l’Inde, le Pakistan, l’Argentine ou le Brésil au seuil militaire puis à l’entrée au club atomique. Il a des fondamentaux solides : un PIB comparable au Pakistan, des dépenses militaires soutenues, une maîtrise de l’enrichissement à 60 %, et une histoire stratégique conflictuelle. Mais contrairement à la Corée du Nord, par exemple, Téhéran subit un veto actif sans précédent dans la « prévention » à la prolifération. La raison en est politique bien sûr : le régime iranien inquiète autant l’Occident que les pétromonarchies, qui tolèrent tacitement les frappes israéliennes.
Le « club atomique » n’obéit pas à des critères objectifs. Il a pu, par le passé, laisser s’approcher du seuil ou même s’intégrer des régimes autoritaires tant qu’ils servent l’équilibre global. L’Iran, lui, perturbe cet équilibre : partenaire de Moscou et Pékin, solidaire actif de la Palestine, inquiétant tant pour les monarchies du Golfe. Son enrichissement de l’uranium, bien que légal, suffit donc pour Israël à justifier une exclusion violente.
L’attaque israélienne du 14 juin 2025, annonce la première guerre intégrale autour de l’accès au club de l’atome. Elle rebat les cartes de la régulation de la non-prolifération. Un État conduisant un génocide, ne reconnaissant pas le TNP prétend faire le gendarme du club atomique au nom de sa propre sécurité.
L’arme atomique coûte cher (1 000 milliards de dollars pour 1,1 % de l’électricité nationale). Garantit-elle et jusqu’à quel point sécurité et respect ? La guerre en Ukraine le prouve, l’arme nucléaire russe ne peut pas y être déployée. Israël va subir les légitimes ripostes Iraniennes proportionnées sans que ses ogives nucléaires ne lui soient d’aucune utilité : la puissance se joue de plus en plus ailleurs –missiles balistiques. aviation, drones, cyber, guerre électronique.
Dans ce contexte, la dissuasion par l’arme nucléaire est encore plus discutable pour les nouveaux entrants. Même son usage tactique sur un théâtre d’opération demeure sous tutelle des deux superpuissances nucléaires américaine et Russe, bientôt rejoint par la Chine. En clair, le recours à l’arme nucléaire n’est jamais souverain.
À fortiori pour les derniers arrivants de la prolifération. Cette évolution tend à faire ressembler la bombe atomique plus à un fétiche géopolitique qu’à un outil militaire décisif. Il existait encore jusqu’à la nuit de jeudi la piste hypothétique d’un accord négociée sur le programme nucléaire Iranien.
La dissuasion nucléaire ne fonctionne plus comme elle était supposée le faire. Elle n’empêche pas les puissances nucléaires d’entrer en guerre, d’être attaquée sur leur territoire, Le monde est interpellé. C’est le siècle de la dénucléarisation qui débute.
La non-prolifération est un chaos programmé