M A G H R E B

E M E R G E N T

Actualités

Boycott déguisé : comment l’Algérie éloigne discrètement la France de son marché

Par Maghreb Émergent
29 mars 2025

Face aux tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Paris, l’Algérie semble progressivement modifier son approche économique vis-à-vis de la France, traditionnellement l’un de ses partenaires commerciaux privilégiés. Bien qu’aucune mesure officielle de boycott n’ait été annoncée, les entreprises françaises ressentent déjà les effets de ce changement d’attitude, comme l’a récemment révélé un reportage diffusé sur France 2.

Les autorités algériennes ont apparemment commencé à exercer un contrôle plus strict sur les importations en provenance de France. D’après plusieurs dirigeants français qui préfèrent garder l’anonymat, leurs demandes d’autorisation pour des importations sont désormais “quasi systématiquement rejetées par Alger”.

Cette nouvelle réalité a contraint certaines entreprises à élaborer des stratégies de contournement. “On est obligé de passer par des sociétés tierces à l’étranger. Soit on fait des sociétés en Italie, en Espagne, en Belgique, ou autre chose. Et on demande des accords d’importation depuis ces pays”, confie un chef d’entreprise, ajoutant que cette solution entraîne “beaucoup plus de temps, beaucoup plus de tracas”.

Cette situation préoccupe particulièrement les 6 000 entreprises françaises qui entretiennent des relations commerciales avec l’Algérie, deuxième marché africain pour les exportations françaises. Les grands groupes français implantés dans le pays ont même reçu des consignes inhabituelles : “On s’organise pour ne plus faire venir de pièces françaises et que l’opération ne soit pas financée par une banque française. En gros, effacer toute trace de la France”.

Le constructeur automobile Renault illustre parfaitement cette impasse. Bien que le groupe affirme avoir réorganisé sa production, il attend toujours l’autorisation d’Alger pour relancer ses chaînes de montage.

Pour l’Algérie, cette redéfinition des relations économiques avec la France représente une opportunité de diversifier ses partenariats internationaux. Le président de la chambre de commerce franco-algérienne le confirme : “Si elle ne travaille pas avec la France, elle travaillera avec d’autres. Et je peux vous dire que les Allemands, les Italiens et d’autres pays encore sont aujourd’hui très actifs sur l’Algérie, car ils sont en train de prendre les parts de marché que les Français sont en train de perdre”.

Cette évolution place les entreprises françaises dans une position inconfortable, comme en témoigne Patrick Boukhobza, directeur d’une usine marseillaise qui fabrique des climatiseurs industriels exclusivement destinés au marché algérien. Avec un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros l’an dernier, son entreprise dépend entièrement de ses clients algériens.

“Les clients me disent, est-ce que vous allez pouvoir nous livrer ? Moi j’ai un projet pharmaceutique, j’ai un projet agroalimentaire. Est-ce que vous allez arriver à le faire ?”, rapporte-t-il avec inquiétude. Et d’ajouter : “Si jamais il y avait un boycott total de part et d’autre, nous, mais beaucoup d’entreprises françaises, on perdrait beaucoup. C’est une catastrophe.”

Pour l’économie algérienne, cette réorientation pourrait s’avérer bénéfique à long terme, permettant de négocier des conditions plus avantageuses avec de nouveaux partenaires et d’accéder à une plus grande diversité de technologies. Dans les secteurs stratégiques comme l’automobile, la pharmacie ou l’agroalimentaire, prioritaires pour le développement économique national, les autorités algériennes pourraient privilégier des partenariats avec des entreprises non françaises ou renforcer leurs propres capacités industrielles.

Paradoxalement, malgré ces tensions et obstacles administratifs, les importations de produits français en Algérie ont augmenté de près de 7% l’année dernière. Cette contradiction apparente suggère que les relations économiques entre les deux pays demeurent complexes et ne peuvent être réduites à une simple rupture, même si l’Algérie semble désormais déterminée à établir de nouvelles règles du jeu, plus conformes à ses intérêts nationaux et à sa vision d’une relation d’égal à égal avec son ancien colonisateur.

Yasser K.

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités Maghreb-

La Tunisie augmente ses exportations d’huile d’olive, mais peine à valoriser sa production

Le ministre tunisien du Commerce et du développement des exportations, Samir Abid, a annoncé une progression de 45 % des exportations d’huile d’olive au premier semestre de l’année. Les volumes… Lire Plus

Actualités

Les assurances bondissent de 13,3% au premier trimestre

Le marché des assurances a connu une progression au premier trimestre 2025. Avec un chiffre d’affaires de 56,9 milliards de dinars, le secteur enregistre une hausse de 13,3% par rapport… Lire Plus

Actualités Maghreb-

L’Égypte signe de nouveaux contrats pour reconstruire l’est de la Libye

Trois entreprises égyptiennes; Organi Group, sa filiale Neom, et la société Wadi El Nile, ont signé, samedi 5 juillet, de nouveaux contrats avec le Fonds libyen de développement et de… Lire Plus

Actualités Algérie

Transparence bancaire : quatre établissements étrangers font encore de la résistance

Alors que les banques publiques algériennes ont renforcé leur transparence, Citibank, HSBC, Arab Bank et Housing Bank maintiennent l’opacité sur leurs états financiers. Une pratique qui expose les clients à… Lire Plus

Billet de banque en Euro
Actualités

Marché noir: Le taux de l’euro face au dinar reste stable ce 6 juillet

Ce dimanche 6 juillet, le taux de l’euro face au dinar algérien demeure stable sur le marché noir des devises. Selon les cambistes, un billet de 100 euros se vend… Lire Plus