Sous pression croissante du pouvoir, l’UGTT rassemble ses soutiens à Tunis pour défendre son rôle historique et dénoncer les attaques du président Kaïs Saïed.
Entre 2 000 et 3 500 personnes ont manifesté ce jeudi dans le centre de la capitale tunisienne pour exprimer leur soutien à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Adhérents et sympathisants ont scandé des slogans tels que « Avec nos âmes et notre sang, nous nous sacrifions pour l’UGTT », tout en brandissant des pancartes dénonçant la flambée des prix, la régression des libertés et un gouvernement qualifié de « honte ».
Malgré une forte mobilisation, plusieurs dizaines de manifestants ont été empêchés de rejoindre la marche par les forces de l’ordre, déployées en nombre. Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a fermement rejeté les accusations de « corruption » et de « dilapidation des fonds publics » portées par des partisans du président Kaïs Saïed. Il a dénoncé des « fausses informations » visant à affaiblir le syndicat et à ternir son image auprès de l’opinion publique. Taboubi a également pointé du doigt une « incitation méthodique » du pouvoir à s’en prendre à l’organisation syndicale.
Une institution historique sous pression
Co-lauréate du prix Nobel de la paix en 2015 pour son rôle dans la transition démocratique post-révolution de 2011, l’UGTT reste une force incontournable en Tunisie. Même sous le régime autoritaire de Ben Ali, elle conservait une capacité de mobilisation significative.
La marche du 21 août fait écho à une précédente manifestation organisée le 7 août par les partisans de Kaïs Saïed, qui accusaient le syndicat de malversations. Le président tunisien avait alors soutenu ces revendications, exigeant que l’UGTT « ouvre tous les dossiers » et menaçant de supprimer le prélèvement automatique des cotisations syndicales des agents publics — principale source de financement de la centrale.
Entre compromis et confrontation

Fondée en 1946, l’UGTT s’est illustrée par son engagement dans la lutte anticoloniale et son indépendance vis-à-vis des régimes successifs, de Bourguiba à Ben Ali. Elle a toujours joué un rôle central dans la vie politique et sociale du pays.
En 2021, selon plusieurs observateurs, l’UGTT aurait tacitement soutenu le coup de force de Kaïs Saïed, notamment en raison de son opposition au parti islamiste Ennahdha. En 2022, elle avait obtenu un accord salarial limité, dont l’expiration et le refus du gouvernement d’ouvrir de nouvelles négociations ont ravivé les tensions.
La grève sectorielle menée par la Fédération générale du transport, affiliée à l’UGTT, du 30 juillet au 1er août, a cristallisé les hostilités, provoquant la colère du président et de ses partisans.