La loi de finance pour 2026 est sur la table. Le débat qui va avec lui n’existe pas vraiment en public. Même pas dans les coulisses des ministères. Le débat ? L’Open Bar budgétaire de ces dernières années peut-il raisonnablement se poursuivre ? Le déficit budgétaire a atteint 13,9% du PIB en 2024 entraînant, année après année, la dette publique d’une moyenne de 22,8% du PIB durant la période 2000-2020 à près de 50% du PIB en 2024.
L’accélération prodigieuse du déséquilibre budgétaire, notamment depuis le trou d’air de l’activité en 2020 (Covid), est bien sûr pointé par le FMI et bien noté dans le rapport 2024 de la banque d’Algérie. Le président Tebboune a déjà annoncé, lors du conseil des ministres de rentrée sociale, qu’il n’y aura pas de politique d’austérité en 2026.
Il a pour autant évité d’évoquer la question cruciale du budget de 2026 lors de l’entretien télévisée avec les journalistes qui se sont bien gardés de poser la seule question économique qui s’impose aujourd’hui : que faire avec la trajectoire budgétaire actuelle qui fait bondir l’endettement public interne vers des sommets inconnus depuis l’indépendance ?
Une dette soutenable ?
Le point de vue que ce niveau d’endettement est encore soutenable existe dans le microcosme des économistes algériens. Il mérite d’être connu. Il fait appelle à la théorie Keynésienne de soutien à la demande solvable dans le cadre de politique contracyclique pro-croissance. Il s’appuie sur le seuil des 60% de dette publique maximale fixée par le pacte européen en ligne avec les balises budgétaires de Maastricht. Il appelle en renfort le fait que la croissance hors hydrocarbures préserve un dynamisme enviable (4,8% en 2024 contre 4,2% en 2023, source Banque d’Algérie).
C’est même cet indicateur qui donnerait la vraie tendance à la désintoxication de l’économie algérienne shootée aux émanations de pétrole et de gaz. Le garde-fou que se donne ce point de vue classique de la croissance par la demande publique et la subvention est le signal prix. Or l’inflation a poursuivi sa baisse en 2024 et en 2025 en dépit des déficits cumulés. L’explosion de la dette publique n’est donc pas inflationniste. Pourquoi donc s’en priver pour alimenter le moteur de la croissance ?
Trou noir
La réponse des économistes alarmistes au sujet de la trajectoire budgétaire peut être résumée ainsi : le moteur qu’alimente la dette publique expansive n’en est pas un. Il s’agit plus d’un trou noir destructeur de ressources financières. Les ressources budgétaires sont affectées prioritairement à des dépenses non productives, cœur du déficit d’une part. 80% des avances de la banque d’Algérie au trésor sous la forme de rachat d’actifs (quantitatifs easing) sert, d’autre part, à assainir, via les banques publiques, des activités déstructurées du secteur public économique.
Miroir de ce biais de croissance, les deux secteurs qui ont le plus tiré l’activité hors hydrocarbures en 2024 ont été l’agriculture et le BTPH gros consommateurs d’aides et de commandes publiques. Le secteur manufacturé, pourtant désigné comme prioritaire avec l’ambition de ramener la part de l’industrie à 15% du PIB, lui reste atone. C’est le territoire par excellence des acteurs privés nationaux et étrangers, le vrai moteur grippé de la croissance.
Moment névralgique
Non, la dette publique algérienne n’est pas confortable et ne peut être comparée à celle de pays européens qui ont signé un pacte de stabilité financière, qui partagent la même monnaie et qui bénéficient d’une profondeur de marché financier qui permet jusqu’à de hautes limites le financement de leur dette publique, comme le rappelle notamment le professeur Bessaha. Le budget de 2026 est temporellement le point de bascule pour infléchir la trajectoire budgétaire actuelle en attendant de la retourner. Il s’agit d’un arbitrage sérieux.
En France, il scelle depuis un an le sort de gouvernements successifs. Bien sûr, la contrainte démocratique est absente de présenter un budget qui ne mette pas l’Algérie dans le sillage d’une faillite qu’elle a déjà connu en 1994. Est-ce une raison pour que l’État continue à dépenser plus de 50% de ce qu’il engrange en recettes ? Le débat public est une urgence. L’heure névralgique de lever la censure a sonné.