Selon le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 que Maghreb Émergent a pu consulter, le Fonds de régulation des recettes (FRR) affichera un solde symbolique d’un (1) dinar. Un chiffre qui prolonge une pratique devenue quasi institutionnelle : solder le compte spécial du Trésor en fin d’exercice, avant d’éventuels réabondements temporaires lorsque la conjoncture pétrolière s’améliore.
Un fonds conçu pour réguler les cycles pétroliers
Le FRR a été créé au début de l’ère de Abdelaziz Bouteflika par le ministre des finances Abdellatif Benachenhou à travers la Loi de finances complémentaire de 2000, pour lisser les effets de la volatilité des prix du pétrole sur les finances publiques. Son principe était simple : alimenter le fonds lorsque le prix réel du baril dépasse le prix de référence budgétaire, et le mobiliser lorsque les cours retombent, afin de financer les déficits ou stabiliser les dépenses publiques d’une année à l’autre.
Ce mécanisme visait à échapper au « tout conjoncturel » dans la gestion des recettes pétrolières, en instaurant une logique d’épargne intergénérationnelle.
D’un matelas d’épargne à un compte vide
Ce modèle a fonctionné durant la décennie 2000. Le FRR a connu son apogée entre 2009 et 2013, atteignant un niveau record équivalent à 43 % du PIB en 2009 selon la Banque mondiale. Ces ressources servaient alors à rembourser la dette publique, puis à soutenir la dépense publique.
Mais le contre-choc pétrolier de 2014 a provoqué la fonte rapide du fonds. Entre 2014 et 2017, les ponctions successives pour financer les déficits ont épuisé le FRR, que les lois de finances ont ensuite commencé à déclarer “à solde nul”. Dès 2017, puis dans les LFs suivantes jusqu’à 2021, le FRR figure officiellement dans les annexes budgétaires avec un solde nul, signe de son inactivité.

Une seule parenthèse : l’embellie de 2022
L’année 2022 a fait figure d’exception. Grâce à des cours du pétrole supérieurs aux prévisions et à un dinar stabilisé, le FRR a été réalimenté. La Loi de finances 2024, dans son annexe relative aux comptes spéciaux du Trésor, mentionne un solde de 1 966,6 milliards de dinars au 31 décembre 2022.
Cet épisode reste isolé. Dès 2023, l’excédent a été utilisé pour financer le déficit budgétaire, le ramenant de nouveau à un niveau quasi nul à l’aube de 2024.
Un déficit durable qui condamne toute épargne
Le PLF 2026 prévoit un déficit public supérieur à 12 % du PIB, soit près de 40 milliards de dollars. Et selon les trajectoires officielles, le déficit devrait rester supérieur à 10 % du PIB jusqu’en 2028.
Dans ce contexte, il est hautement improbable que le FRR retrouve sa vocation initiale de réserve. Tout excédent conjoncturel sera absorbé par le financement courant du Trésor. Le « FRR à un dinar » s’impose donc comme une nouvelle norme budgétaire, reflet d’un État sans épargne pétrolière durable.
D’un outil de stabilisation à une relique comptable
Ce symbole d’un dinar cache une réalité structurelle : le FRR n’est plus un instrument de régulation, mais un compte de passage destiné à équilibrer les écritures budgétaires. De stabilisateur, il est devenu témoin de la dépendance persistante du budget algérien aux revenus des hydrocarbures.
Jadis conçu pour préserver l’avenir, le FRR est aujourd’hui le miroir d’une contrainte : celle d’un État dont les dépenses croissent plus vite que ses recettes, et qui, faute d’excédents durables, a fait du solde nul une tradition.