M A G H R E B

E M E R G E N T

Maghreb

Camille Sari, économiste : »Les pays du Golf ont financé entre 30 et 40% le nouveau canal de Suez »

Par Yazid Ferhat
6 août 2015
Camille Sari, économiste

L’Egypte vient d’inaugurer son nouveau canal de Suez. Un projet que le gouvernement présente comme celui qui va ranimer l’économie du pays. L’économiste Camille Sari reste sceptique. Notamment sur la création du million d’emplois promis. Pour atteindre ce chiffre, il faudrait, selon lui, multiplier par cent la surface actuelle aménagée à l’investissement industriel et à la logistique qui borde le canal, aménager de nouvelles zones, voire créer de nouvelles villes.

 

 

Certains analystes égyptiens tempèrent les qualificatifs pompeux donnés au projet du nouveau canal de Suez inauguré aujourd’hui par le président égyptien Abdelfatah Al Sissi.  D’après vous, l’ouverture de ce nouveau canal va-t-elle ranimer l’économie égyptienne en berne depuis 2011 ?

 Permettez-moi de dire tout d’abord que cet ouvrage n’est pas la construction d’un grand canal comme on le présente, mais uniquement l’ouverture d’une « embouchure », qui n’est certes pas négligeable. Ce grand ouvrage qui a coûté 4 milliards de dollars est financé à hauteur de 30 à 40% par les investissements indirects des pays du Golf soit environ 34 milliards de dollars. Le canal de Suez est plus sûr que le détroit d’Ormuz qui se situe dans le Golf persique, car le pays, malgré certaines attaques terroristes observées, restent un pays stable. Je souhaiterais dire là, qu’il y a un coup de chapeau à donner au président Al Sissi et à ses collaborateurs qui ont assuré une super-communication et une médiatisation excellente de ce projet. Mais cela est-il suffisant pour rassurer les investisseurs étrangers pour venir s’installer en Egypte ? Si Abdelfatah Al Sissi a réussi sa communication, rien ne garanti l’arrivée des investisseurs. De plus, ces investisseurs doivent récupérer leurs bénéfices et le reste des recettes iront dans les caisses de l’Etat, pour être utilisé où et comment ? Du point de vue économique, le résultat effectif qui découlera du lancement de ce projet est l’augmentation de 20% du trafic maritime du canal, et la réduction des heures d’attentes des navires dans le canal à 3 heures au lieu de 11h, ce qui permettrait d’économiser 20% des hydrocarbures utilisées actuellement. Ceci aura plus de retombées sur le commerce international que sur l’activité économique nationale, et ceux ne sont pas ces 20% de trafic ou ces 20% de réduction de la consommation énergétique qui va faire vivre le peuple.

 

Mais la création des zones d’investissements industriels et de logistiques qui bordent le canal générerait un million d’emplois selon le gouvernement égyptien. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour la relance de l’économie du pays ?

 Je vais exprimer à nouveau mon scepticisme quant à la création annoncée d’un million d’emplois. Mon rôle d’économiste n’est pas celui de dire que tout est beau et que tout va bien, mais plutôt celui de mesurer les choses. Je peux affirmer que ce projet  peut créer une grande dynamique économique et générer des emplois qui seront loin du chiffre d’un million. Pour atteindre ce chiffre, il faudrait multiplier par cent la surface actuelle aménagée à l’investissement industriel et à la logistique qui borde le canal, aménager de nouvelles zones, voire créer de nouvelles villes.

 

 Pourquoi les pays du Golf (Kuweit, Arabie Saoudite et Emirats Arabie Unis), injectent-ils de grandes sommes  pour aider l’Egypte après lui avoir payé en grande partie l’achat de 24 avions rafales et deux frégates à la France pour 5 milliards d’euros en février dernier?

 Les pays du golf sont en train d’établir une alliance stratégique avec l’Egypte, notamment après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien le 14 juillet dernier. Depuis cette date, les pays du Golf ont bien compris qu’ils ne pourront plus compter sur le parapluie américain, qui n’a plus besoin de cette région pétrolière après qu’il est devenu premier producteur mondial de pétrole grâce à sa production en gaz de schiste. Les pays du Golf, aussi riches soient-ils, ont besoin de s’appuyer sur une force régionale en cas d’éventuelle agression. L’Egypte avec ses 84 millions d’habitants et son armée solide, qui est une armée de combat, se présente comme leur seul protecteur dans la région. Mais je tiens à préciser que les pays du Golf, et non le Qatar qui soutenait le président islamiste déchu Mohamed Morsi et qui a retiré ses milliards d’aide à l’Egypte après son renversement, le font d’une manière indirecte. C’est-à-dire, par les sociétés et les autres formes d’investissements. Nous avons vu cet appui khalidji à l’Egypte lors des rachats des rafales à la France, mais aussi, lors du Sommet International pour les Investisseurs qui a drainé en mars dernier à Charm el-Cheikh 74 milliards de dollars de promesses d’investissement dont 34 mds de dollars proviendraient des ces pays du Golf.

ARTICLES SIMILAIRES

image exportations tunisie
Actualités Maghreb

Tunisie : les exportations atteignent un record de 26,8 milliards de dinars à fin mai

Le directeur général du Centre de promotion des exportations (CEPEX), Mourad Ben Hassine, a annoncé que les revenus des exportations tunisiennes ont atteint 26,8 milliards de dinars à la fin… Lire Plus

Actualités Maghreb

Tunisie : la réforme des chèques provoque une crise des paiements commerciaux

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme sur les chèques en Tunisie, les habitudes de paiement ont été profondément bouleversées ces derniers mois. Pour contourner les nouvelles restrictions juridiques visant… Lire Plus

Actualités Maghreb

Tunisie: Kais Saïed appelle à renforcer la lutte contre la spéculation

Lors d’une réunion, cette semaine, entre le président tunisien, Kais Saïed, et le ministre de l’Intérieur, Khaled Ennouri ainsi que le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur chargé de… Lire Plus

Actualités Maghreb

Signature de plus de 40 accords pour exporter les produits algériens vers la Mauritanie

Après la signature d’un nombre record de mémorandums d’entente, entre des opérateurs économiques algériens et mauritaniens, dans le cadre de la 7e édition de la Foire des produits algériens à… Lire Plus

Actualités Maghreb

Maroc : un partenariat « stratégique » de 12 milliards d’euros avec les Émirats

Un partenariat de 12 milliards d’euros a été récemment signé entre les Émirats arabes unis et le Maroc pour permettre au Royaume de faire face à des défis pressants comme… Lire Plus