L’année 2025 touche à sa fin. Pour le marché parallèle des devises en Algérie, elle restera exceptionnelle. Au Square Port-Saïd comme sur les autres places du change informel, l’euro a flambé face au dinar, pulvérisant tous les records historiques en moins de douze mois.
Le bilan chiffré de cette année est vertigineux. Le 31 décembre 2024, le billet de référence de 100 euros s’échangeait contre 24 450 dinars. Au 25 décembre 2025, ce même billet s’établit à 28 000 dinars. En l’espace de moins de douze mois, l’euro a enregistré une hausse massive de 14,52 %.
Plus impressionnant encore, la monnaie européenne a atteint un sommet jamais exploré le 26 novembre 2025, culminant à 28 800 dinars pour 100 euros. Jamais dans l’histoire du change parallèle en Algérie une telle accélération n’avait été observée sur une période aussi courte. « C’est la première fois que je vois ça durant mes 20 ans de métier », témoigne un cambiste exerçant à Alger. Selon lui, la rapidité de la dépréciation du dinar sur le marché informel cette année constitue un précédent majeur qui inquiète autant qu’il surprend.

Le secteur automobile : principal moteur de la demande
L’explication de cette envolée réside dans une conjonction de facteurs structurels et conjoncturels. Le premier moteur de cette pression est sans conteste la crise du secteur automobile. Face au blocage persistant des importations via les concessionnaires agréés et à l’incapacité des rares unités de montage locales à satisfaire une demande nationale colossale, les Algériens n’ont qu’une alternative : l’importation de véhicules neufs ou d’occasion de moins de trois ans par leurs propres moyens.
Ces opérations ne bénéficiant d’aucun financement en devises par le canal bancaire officiel, les particuliers se ruent massivement vers le marché noir pour acquérir les euros nécessaires. Cette demande massive et soudaine de plusieurs milliers d’euros par transaction a créé un déséquilibre profond entre l’offre et la demande, propulsant les cours vers des sommets.
L’émergence des « Auto-importateurs » et le commerce du cabas
Un autre élément déterminant est intervenu durant l’été 2025. Le gouvernement a accordé une autorisation légale aux petits importateurs, souvent désignés sous le terme de « commerce du cabas », pour importer légalement certains produits de consommation courante. Requalifiés juridiquement en « auto-importateurs », ces acteurs économiques ont été invités implicitement à se procurer leurs propres devises.
N’ayant pas accès aux lettres de crédit ou aux autres financements bancaires, ces importateurs se sont tournés exclusivement vers le marché parallèle. L’ouverture de cette « fenêtre légale » pour l’activité informelle a agi comme un accélérateur, institutionnalisant en quelque sorte le recours au marché noir pour l’approvisionnement des commerces de détail.
L’impact de l’immigration clandestine
Enfin, un facteur social plus sombre a contribué à cette hausse : l’accélération de l’immigration clandestine vers l’Espagne. En 2025, des milliers de jeunes Algériens ont tenté la traversée de la Méditerranée. Chaque candidat au départ cherche à convertir ses économies en euros pour financer son voyage et ses premiers mois en Europe. Bien que difficile à quantifier avec précision, ce flux constant de sorties de devises « au noir » a pesé lourdement sur la disponibilité de la monnaie européenne sur le territoire national.
En combinant ces nouveaux facteurs aux besoins traditionnels (soins à l’étranger, voyages, transferts familiaux), le marché noir algérien des devises termine l’année 2025 dans une situation de tension extrême, laissant planer l’incertitude sur la valeur que pourrait atteindre l’euro en 2026.