Le journal Libération a publié, le 9 août, un portrait à charge, haut en couleur, de Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée, présenté comme “le véritable ambassadeur d’Alger” à Paris. Ce texte, qui met en avant son rôle d’intermédiaire officieux, contient une liste assez longue de reproches, allant de sa “proximité” avec Alger à la gestion du hallal.
Libération reproche même à Hafiz une réaction jugée tardive à l’opération du Hamas du 7 octobre 2023, une critique qui, en Algérie, ne suscite aucun écho au vu de la tradition politique et historique du pays. Le 7 octobre 2023 est massivement perçu comme un acte de résistance face à une occupation, et non comme un sujet de condamnation.
Même s’il n’est pas nécessairement l’objectif principal du journal Libération, ce portrait, qui ne peut être qualifié de “flatteur” et publié dans un contexte de crise entre Alger et Paris, ne tombe pas sur un terrain neutre. Il sert objectivement à alimenter l’activisme des autorités marocaines et leurs relais en France, qui exigent de “marocaniser” la Mosquée de Paris. La situation de quasi-rupture entre Alger et Paris semble créer chez certains médias marocains, liés au palais ou aux services marocains, un souhait puissant de liquider le dernier canal entre les gouvernements algérien et français.
L’article de Libération a ainsi été très largement repris par le site Barlamane, notoirement lié aux services marocains. D’autres médias marocains, comme La Revue ou Le Petit Journal Marocain, ont même inventé des rumeurs sur une possible mise en cause judiciaire de Hafiz pour “espionnage au profit de l’Algérie”.
Aucune source judiciaire française ne confirme ces allégations, qui relèvent du fantasme diplomatique, d’un wishful thinking consistant à transformer des souhaits en faits réels. Mais ces allégations s’inscrivent parfaitement dans la ligne d’une campagne permanente sur la “marocanité” de la Mosquée de Paris, et constituent un appel aux dirigeants français à “rétablir” les droits du Maroc. Depuis plusieurs mois, des voix politiques françaises, notamment à droite, proposent que le Maroc prenne en charge la gestion de la Mosquée de Paris, au nom d’un islam jugé « plus modéré ».
Le recteur de la Mosquée de Paris a balayé à plusieurs reprises les tentatives de créer une “histoire marocaine” à la Grande Mosquée de Paris.
Soutien total de l’archevêque d’Alger
L’Archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, a apporté son soutien au recteur de la Mosquée de Paris via sa page Facebook, suite à cette campagne médiatique. « Respect pour mon frère, recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui peut en effet s’honorer d’être un ambassadeur de paix entre la France et l’Algérie ! » écrit Jean-Paul Vesco en réponse aux détracteurs de Chems-Eddine Hafiz, qui le traitent indirectement d’agent double.
Et l’Archevêque ajoute : « Il est plus difficile de vouloir construire des ponts que de lancer les cris d’une guerre sans cesse rejouée et par avance perdue ! » avant de s’interroger : « Comment est-il possible que des dirigeants français du plus haut niveau connaissent aussi mal l’Algérie ?! »